13 mars 2023

Le moment est venu de placer les capacités de production au cœur de chaque stratégie de développement

Publié initialement dans le OECD Development Matters.

Au cours des 20 dernières années, les 46 pays les moins avancés (PMA) ont enregistré une croissance économique relativement solide s'élevant en moyenne à 5,7% par an entre 2001 et 2019. Toutefois, cette croissance ne s'est pas nécessairement traduite par de meilleurs résultats en matière de développement: dans de nombreux PMA, la pauvreté, l'insécurité alimentaire et les inégalités n'ont pas été éradiquées.

Pendant la pandémie de COVID‑19 la situation s'est aggravée et les PMA ont enregistré leurs moins bons résultats socioéconomiques depuis les années 1980. Hormis quelques exceptions, les PMA ont des capacités de réaction aux chocs exogènes limitées, ce qui rend leurs progrès socioéconomiques fragiles. Plusieurs facteurs nuisent à leur résilience, notamment une diversification économique et un développement du capital humain limités, ainsi que des systèmes de production faibles. 

Cette situation peut s'expliquer par des capacités de production limitées. Celles‑ci s'entendent des ressources productives, des aptitudes entrepreneuriales et des liens de production qui déterminent la capacité d'un pays de produire des biens et services qui, en fin de compte, l'aide à croître et à se développer. La figure 1 démontre une corrélation positive entre l'Indice des capacités productives (ICP) de la CNUCED et le produit intérieur brut par habitant.

Figure 1

Image retirée.

D'après l'indice de la CNUCED, les PMA avaient les capacités de production les plus faibles du monde, leur indice médian des capacités productives (ICP) s'élevant à 23,6 contre 32,4 pour les autres pays en développement. En outre, les PMA étaient en retard par rapport aux autres pays en développement dans toutes les sous‑catégories de l'ICP, notamment le capital naturel, le capital humain, l'énergie, les TIC, les transports, le secteur privé, les institutions et le changement structurel. 

La productivité du travail dans les PMA a également ralenti au cours des 10 dernières années – une conséquence directe des faibles capacités de production – ce qui a limité leur potentiel de développement. Cela était particulièrement marqué en République centrafricaine, en Gambie, au Yémen et au Timor‑Leste – des pays qui ont dû faire face à des conflits, à des catastrophes naturelles et à une extrême dépendance pétrolière. En parallèle, la récession provoquée par la pandémie n'a pas aidé, car de nombreux travailleurs urbains ont perdu leur emploi dans le secteur manufacturier et le secteur des services. Pour les femmes et les jeunes en particulier, les dommages économiques de la pandémie ont donné lieu à des pertes de revenu en raison d'une réduction du temps de travail et des possibilités pour les travailleurs indépendants ou les travailleurs du secteur informel, en particulier dans le commerce, le tourisme et les services domestiques ou les services à la personne. 

Alors que l'échéance du Programme de développement durable à l'horizon 2030 se rapproche et que les PMA sont confrontés à de nouvelles difficultés causées par la guerre en Ukraine, le changement climatique et d'autres chocs imprévus, il est essentiel de placer les capacités de production au cœur de chaque stratégie de développement. 

La voie vers la transformation structurelle

Les travaux de recherche de la CNUCED confirment qu'une transformation structurelle axée sur les capacités de production est la seule solution à long terme aux vulnérabilités des PMA. Au fil du temps, les ressources d'un pays devraient passer des domaines à faible productivité aux domaines à forte productivité pour permettre une croissance à long terme, la création d'emplois et l'augmentation des revenus – autant de facteurs nécessaires à un développement durable. 

Les PMA asiatiques comme la République démocratique populaire lao et le Cambodge ont enregistré des progrès en matière de transformation structurelle au cours des 20 dernières années en mettant l'accent sur les activités à forte intensité de connaissances et à forte productivité dans le secteur des services et le secteur manufacturier. 

L'Objectif de développement durable 9 concernant l'infrastructure résiliente et l'industrialisation durable souligne qu'il est indispensable que les PMA accélèrent leur passage d'une économie fondée sur l'agriculture et les ressources naturelles à une économie structurée fondée sur l'industrie manufacturière. Actuellement, l'agriculture joue encore un rôle majeur dans les économies des PMA, représentant 22% de la production, tandis que la part du secteur manufacturier est de 13% – contre 8% et 23% respectivement dans les autres pays en développement. En 2019, 55% de la main‑d'œuvre des PMA étaitencore employée dans l'agriculture

Les PMA peuvent commencer à renforcer leurs capacités de production en passant de l'agriculture à faible productivité à des activités à productivité plus élevée, comme la manufacture. La première étape consiste à ajouter de la valeur au secteur agricole grâce aux industries agroalimentaires. Quand ils sont vendus bruts, les produit agricoles rapportent moins sur les marchés mondiaux et régionaux. Accroître la capacité des PMA de transformer leurs produits, notamment de faire sécher leurs mangues, de pulvériser leurs algues ou de fabriquer du beurre de karité, leur permet de faire un pas de plus vers la transformation à petite échelle. 

Le Burkina Faso, par exemple, a enregistré une hausse de 50% de ses recettes provenant de l'exportation de mangue séchée quand ses capacités de séchage ont été améliorées. La mangue séchée burkinabé représente désormais 25% du marché européen grâce à l'industrialisation progressive du secteur de la transformation de la mangue dans le pays. 

Développer les capacité de production dans une décennie pleine de difficultés

La présente décennie comprend de nombreuses difficultés pour les PMA. Les efforts de relance et les perspectives de croissance dans le monde sont limités. En outre, la hausse des prix des combustibles et des produits alimentaires menace de faire basculer les populations marginalisées dans la pauvreté chronique. Ces chocs externes soulignent la nécessité de mettre au point des stratégies de développement fondées sur le renforcement de la résilience afin de promouvoir la croissance à long terme. 

La mise en œuvre de ces stratégie nécessitera du soutien. Les pouvoirs publics des PMA sont confrontés à la tâche difficile consistant à atténuer les effets des chocs externes tout en investissant en parallèle dans des activités de renforcement des capacités de production destinées à améliorer les moyens de subsistance et à réduire la vulnérabilité. 

Des politiques ciblées, y compris l'investissement dans l'infrastructure et le capital humain, devraient être mises en œuvre pour soutenir la transformation structurelle induite par les capacités de production. Chaque PMA a son propre contexte socioéconomique et son propre cadre institutionnel, ce qui déterminera comment les capacités de production peuvent être le mieux utilisées et développées. 

Toutefois, tous les PMA devraient chercher à créer des pôles manufacturiers viables ou à étendre leur secteur des services grâce au tourisme ou au commerce électronique afin de relancer l'entrepreneuriat et d'accélérer le développement industriel. Ainsi, une base serait constituée pour le développement d'activités de production dans d'autres secteurs comme l'infrastructure et la technologie. Au Malawi, par exemple, le gouvernement a créé des zones économiques spéciales pour accélérer l'industrialisation, y compris une zone économique spéciale de transformation agroalimentaire. En parallèle, au Burkina Faso, les producteurs et les transformateurs de karité progressent dans la chaîne de valeur du karité en modernisant leurs équipements et en mettant à jour l'étiquetage et l'emballage de leurs produits, ce qui a augmenté leurs exportations vers les pays européens

L'établissement de liens en amont et en aval de la production entre le secteur agricole et le secteur manufacturier, par l'ajout de valeur aux produits de base, devrait être une priorité pour les PMA. La progression par étapes vers l'industrialisation grâce au renforcement des capacités de production, avec le soutien des partenaires de développement, garantira que le processus soit durable, solide et mène vraiment les PMA sur la voie du développement.

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