Transformer les soins de santé là où c'est le plus nécessaire
La COVID-19 devrait être utilisée pour accélérer le recours à la santé en ligne, et permettre la mise en place de meilleurs services sanitaires dans les pays les moins avancés (PMA).
Les soins de santé se transforment à travers le monde, une mutation initiée par la quatrième révolution industrielle et hâtée par un ennemi commun, invisible et mortel – la COVID-19. Tout le secteur des soins de santé et les entreprises s'y rattachant sont remodelés, avec une nouvelle génération de petites sociétés plus agiles, concurrençant sur un pied d'égalité de plus grandes entreprises. Les avancées technologiques émergentes et les concepts de santé en ligne favorisent la confluence des mondes physiques, numériques et biologiques.
Cette réforme des soins de santé est prometteuse, en particulier pour les PMA qui ont souvent peu de ressources du fait du manque d'infrastructures suffisantes, de capitaux, de médicaments, d'eau, d'électricité et de professionnels de la santé, tout en subissant des coûts prohibitifs. Tous ces éléments combinés font que les soins de santé ne sont pas facilement accessibles, et la pandémie actuelle rend encore plus visible le besoin urgent de réformer les soins de santé pour les PMA. Avec une moyenne de seulement 113 lits d'hôpitaux pour 100 000 habitants, soit moins de la moitié du nombre de lits dans les pays en développement, et environ 80% de moins que dans les pays développés, il n'est pas difficile d'imaginer l'incidence sur les PMA vulnérables, comme le Soudan par exemple, si la COVID-19 continue de se propager. Le Soudan, qui compte 7,8 millions d'habitants déjà confrontés à des problèmes graves en termes de bien-être mental et physique avant la pandémie, serait profondément ébranlé par une nouvelle crise humanitaire.
Un passage à des systèmes de santé en ligne et numériques ne sera peut-être pas la réponse à tout, mais cela peut constituer un outil important pour réformer les systèmes de santé vulnérables. En tant que tels, ces systèmes peuvent contribuer à rendre plus accessibles les services de santé dans des zones reculées, par exemple grâce à des coûts moins élevés, et via des partenariats publics et privés, avec moins de dépendance vis-à-vis des infrastructures physiques et avec un accroissement du commerce des services de santé.
De plus, ce passage à des systèmes numériques permet aux fournisseurs de soins de santé d'identifier les maladies plus tôt, et d'intervenir de manière proactive, au moyen de soins nécessitant peu de contacts. Cette évolution s'accompagne d'un changement d'axe, permettant de s'éloigner de soins médicaux traditionnels pour aller vers une santé et un bien-être définis de manière plus large, avec des consommateurs autonomisés et des entreprises privées jouant un rôle actif dans la fourniture de services de santé.1
Ce mouvement va dans le sens de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS), qui vise à développer la participation des entreprises privées dans le secteur des services. Cela peut permettre aux PMA de s'intégrer dans les écosystèmes sanitaires; de participer davantage au commerce des services de santé au niveau international; d'accéder aux technologies, tant en termes de technologies et de dispositifs physiques et que d'éducation; de faire en sorte que les populations soient familières des outils numériques; et que tous les citoyens aient accès aux soins de santé en ligne (éducation).
La santé en ligne peut apporter des innovations aux secteurs des soins de santé des PMA, qui sont pour la plupart des environnements dotés de peu de ressources, avec des infrastructures et des services de soins de santé insuffisants, ainsi qu'un faible accès à l'information. Spécialement dans ces environnements, il existe un potentiel pour le recours aux téléphones mobiles, aux téléconférences et à d'autres technologies à des fins éducatives afin d'améliorer les connaissances et les compétences des professionnels de la santé du secteur public2 et d'améliorer la qualité, la rentabilité et l'efficacité des services de santé.
Pour exploiter ce potentiel, il est essentiel de bâtir les fondements d'un environnement adapté à la santé en ligne dans les PMA. La COVID-19 peut être un accélérateur à ce titre.
La pandémie actuelle a prouvé que des services de soins de santé essentiels pouvaient être numérisés pour aider à réduire la charge pesant sur le système de santé et stopper la propagation des infections. L'Inde a réussi à reconstruire son système de soins de santé au moyen d'une approche numérique. Une transition des moyens traditionnels vers les canaux numériques a permis d'alléger la charge pesant sur son système de santé qui était déjà mal en point, tout en réduisant les coûts.
Bâtir les fondements d'une santé en ligne
La voie à suivre est celle de fondements numériques, érigés sous la supervision des gouvernements, pour mettre les populations sur un pied d'égalité en assurant un accès uniforme aux technologies.
Les gouvernements jouent un rôle central en lançant des projets de santé numériques pour l'ensemble du système et ils devraient recevoir un mandat clair pour construire une structure numérique, exploiter Internet, les technologies en nuage et mobiles, les analyses des mégadonnées, l'intelligence artificielle et d'autres innovations en matière de connectivité et de collaboration, appuyées par une cybersécurité solide. En partageant davantage l'infrastructure informatique avec d'autres services publics, comme les systèmes relatifs aux documents d'identité et de gestion des approbations, les gouvernements peuvent accélérer la transformation du secteur des soins de santé pour établir des organismes axés sur les données, permettant des processus basés sur les technologies numériques et des décisions fondées sur les schémas qui en découlent.
Dans un écosystème connecté, les acteurs publics et privés, y compris les gouvernements, peuvent diffuser activement des informations et coopérer, en particulier avec l'adoption d'accélérateurs d'innovation tels que l'impression 3D, l'Internet des objets, les chaînes de blocs et les technologies de réalité augmentée et virtuelle. Le partage de renseignements peut renforcer les soins de santé fondés sur des preuves pour les communautés vulnérables des PMA, où les infrastructures traditionnelles de santé et les services de soins de santé sont inadéquats, et les technologies mobiles peuvent jouer un rôle important dans la fourniture de services de santé aux niveaux régional, communautaire et individuel.3 L'initiative E-Health Africa est un bon exemple de cette innovation dans les soins de santé dans les pays en développement. Il s'agit de commencer par évaluer si une zone géographique a un certain niveau de préparation en matière de santé en ligne et d'impliquer différents partenaires dans les écosystèmes de la santé nationaux et surtout locaux afin de disposer d'une bonne équipe pour la santé numérique sur le terrain.
L'importance d'un bon écosystème de la santé
Bien que les gouvernements soient des parties prenantes importantes, les acteurs non gouvernementaux du système de santé sont cruciaux pour un bon écosystème de la santé. Leur rôle est vital, car l'échec de la gouvernance à un niveau de l'écosystème de la santé peut être compensé par les autres acteurs. La santé en ligne peut contribuer à la mise en place d'un tel cadre et à la décentralisation du secteur de la santé dans les PMA. La décentralisation contribue à assurer la participation des acteurs clés du secteur public et du secteur privé pour mieux répondre aux besoins locaux en matière de santé et renforce la prise de décisions fondée sur les données dans le domaine des soins de santé. Cela est crucial pour les PMA, ayant peu de partage de données.
Par exemple, l'Inde a mis en place un centre névralgique du numérique (DiNC) pour tirer parti des technologies, des personnes et des processus de manière globale, en vue d'améliorer l'accès aux soins de santé pour les moins favorisés. La plate-forme technologique de ce centre névralgique combine des données structurées et non structurées pour établir une vue d'ensemble cohérente et connecter les patients aux prestataires de soins de santé primaires, secondaires et tertiaires via le téléphone. Elle permet de prendre rendez-vous et de gérer des dossiers de santé numérisés pour les patients, comprend des coordonnateurs de soins qui traitent des demandes non médicales, et amène les hôpitaux et les centres de traitement à collaborer et à partager des connaissances. Cette plate-forme peut servir d'exemple pour les PMA ayant des ressources limitées.
Toutefois, la simple numérisation des soins de santé n'est pas suffisante. L'égalité dans le domaine numérique est également nécessaire. Les gouvernements et les autres parties prenantes de l'écosystème de la santé devront renforcer l'inclusion numérique pour faire en sorte que tous les citoyens aient les compétences, les outils et l'accès nécessaires pour participer aux activités de soins de santé numériques. La pandémie n'a pas seulement révélé que les personnes et les organisations pouvaient modifier rapidement leur comportement si nécessaire, elle a aussi montré qu'une société saine était impossible si certaines personnes ou communautés étaient laissées pour compte. Il est donc nécessaire de disposer d'une gouvernance saine pour le système de santé, que le gouvernement ne peut développer tout seul, et qui devrait se faire avec les forces unies des parties prenantes des secteurs privé et public, avec les collectivités locales, comme point de départ.
La COVID-19 peut être un accélérateur pour réunir les conditions fondamentales nécessaires à la construction de tels écosystèmes et unir les différentes parties prenantes, ce qui est essentiel pour combler la fracture numérique dans différentes parties du monde. Une partie de cet effort devrait être l'accroissement du commerce des services de santé en mettant l'accent sur l'accès des populations vulnérables des PMA aux médicaments efficaces contre la COVID-19. La crise sanitaire actuelle devrait être utilisée pour introduire l'innovation dans les soins de santé à l'intention des personnes qui en ont le plus besoin.
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Désirée van Gorp est professeur de commerce international et Girish Ramachandra est Président de TCS Asia Pacific.
1 Des extraits de cet article ont été publiés sur le site Web suivant: https://health.economictimes.indiatimes.com/amp/news/industry/the-future-of-healthcare-personal-wellness-advisors/77925226.
2 Un exemple d'apprentissage en ligne pour former les professionnels du domaine médical afin qu'ils puissent faire face aux difficultés qui se présentent lors d'urgences complexes et dans des États fragiles: https://www.kit.nl/study/course/rebuilding-disrupted-health-systems-developing-context-specific-strategies-health-care-policies-implementation-governance-e-learning-rdhs-e/.
3 Chib, A.;van Velthoven, M.; and Josip, C. (January, 2015). Mhealth adopton in low resource environments: A review of the use of mobile healthcare in developing countries. Journal of health communication, 20(1): 4-34.
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