Face à la hausse des prix de la noix de cajou et doté d'une politique commerciale solide, le pays cherche à dynamiser l'activité de ses agriculteurs et transformateurs
Quelques minutes seulement après le précédent, un petit bruit sourd indique qu'un autre fruit mûr vient de tomber au sol. De couleur orange vif, au parfum sucré et à la saveur légèrement acide, les fruits dont regorgent les dix hectares d'anacardiers d'Alieu Faye sont bel et bien prêts à être récoltés.
"La noix de cajou s'obtient à partir d'une graine. Mais on ne prend pas cette graine directement sur l'arbre. Il faut laisser le fruit tomber au sol avant de le ramasser pour en extraire la graine", explique Faye.
Faye, qui est aussi Président de l'Association gambienne des producteurs de noix de cajou, a commencé à cultiver l'anacardier en 1998 après s'être procuré ses premiers plants en Guinée‑Bissau, pays voisin où le secteur de la noix de cajou est florissant.
Pour la Gambie, petit pays d'Afrique de l'Ouest tout juste sorti d'une période d'instabilité gouvernementale et déterminé à réduire l'insécurité économique qui le caractérise, la noix de cajou est source de revenus et de viabilité financière pour la population.
"L'agriculture représente 30% du PIB de la Gambie et 70% de la population travaille dans ce secteur. Aujourd'hui, des efforts sont faits pour accroître la valeur des produits agricoles transformés. Le but est de créer de la valeur ajoutée, en particulier dans les secteurs de la noix de cajou, du sésame et de l'arachide", a dit Isatou Touray, qui était alors Ministre du commerce, de l'industrie, de l'intégration régionale et de l'emploi, lors d'une entrevue réalisée à Banjul en mai 2018.
TOUT POUR LE CAJOU
Les études sur l'intégration du commerce en Gambie réalisées par le Cadre intégré renforcé (CIR) en 2007 et 2013 ont mis en évidence les perspectives de croissance du secteur de la noix de cajou et les revenus qu'il pourrait générer, recommandant, entre autres, de prendre des mesures pour accroître la productivité et améliorer le processus de transformation.
Comme suite à cette étude, le pays a placé le secteur de la noix de cajou au premier plan de ses stratégies commerciales; les efforts déployés sur le terrain consistent notamment à travailler avec les producteurs pour améliorer les rendements et la qualité, ainsi qu'à aider les transformateurs à acquérir les machines et à obtenir les certificats de conformité aux normes alimentaires dont ils ont besoin pour exporter.
Les formations financées par le CIR sur les techniques de plantation et la gestion des exploitations ont permis à Faye de tirer des bénéfices de la production de noix de cajou, ce qui a créé un sentiment de sécurité. Il emploie cinq travailleurs dans son exploitation située sur la rive nord du fleuve Gambie.
"Je prends ma retraite très bientôt pour me consacrer à la production de noix de cajou – ce qui prouve que la noix de cajou est très importante pour moi", a dit Faye dans la pépinière où il cultive actuellement des semis avant de les transférer vers sa plantation située à proximité. "Je gagne plus d'argent aujourd'hui qu'avant d'avoir suivi la formation du CIR", a‑t‑il ajouté.
Il explique que ses rendements se sont améliorés et qu'il peut utiliser le matériel de transformation fourni par la FAO et mis à disposition dans le village. Maintenant, il peut vendre ses noix de cajou transformées, et donc à des prix plus élevés.
Faye a indiqué que les noix de cajou brutes se vendaient à peu près 3 000 dalasis (62 dollars EU) le sac d'environ 85 kg, alors que les noix de cajou transformées pouvaient se vendre entre 5 000 et 10 000 dalasis le sac.
MASSE CRITIQUE
Une étape importante du processus de développement des exportations gambiennes de noix de cajou est l'exploitation commerciale du secteur, qui repose en partie sur l'accès aux technologies nécessaires pour produire des noix de qualité à des fins d'exportation.
"Dans la production de noix de cajou – un secteur visé par le programme de diversification de l'agriculture du gouvernement –, nous cherchons des moyens de regrouper l'ensemble des acteurs afin de créer la masse critique nécessaire pour exporter, en tenant compte des normes à respecter, de la qualité à atteindre et de toutes les autres opérations de transformation à effectuer pour pouvoir se positionner sur les bons marchés", a dit Touray.
Les petites entreprises du pays ont des difficultés à se conformer aux normes internationales de qualité et de sécurité sanitaire des produits alimentaires requises pour exporter; une partie des travaux menés par le CIR et ses partenaires en Gambie visent à résoudre ces difficultés en finançant les certifications HACCP (analyse des risques et maîtrise des points critiques) requises et en fournissant du matériel de conditionnement.
Buba Jawneh dirige l'entreprise familiale de transformation de noix de cajou, qui est l'un des sept transformateurs locaux à avoir reçu un soutien pour l'obtention de la certification HACCP.
"Ici, la capacité de transformation est aujourd'hui de deux tonnes par mois, ce qui donne une production de 2 000 kg de noix. Le partenariat avec le CIR nous a beaucoup aidés; il nous a permis d'accroître notre capacité de transformation et, grâce à l'intervention du CIR, nous avons des clients et il y a toujours un marché pour nos produits", a dit Jawneh.
DES BÉNÉFICES GARANTIS
Avec des commandes passées à l'avance par des pays aussi éloignés que la Suisse et des acheteurs bien présents, Jawneh a dit que la seule chose qui les empêchait de développer leur activité était la taille de leur four, un outil indispensable pour transformer une graine de cajou dure en une savoureuse noix grillée et salée.
"Afin de développer notre activité, nous aimerions trouver des partenaires pour agrandir nos installations de transformation. Nous aimerions aussi obtenir un financement pour pouvoir acheter davantage de noix de cajou auprès des producteurs et ainsi mener nos opérations de transformation tout au long de l'année", a‑t‑il dit.
Il a expliqué que Jawneh & Family Cashew Processing Enterprise pouvait aujourd'hui transformer suffisamment de noix de cajou pour remplir un avion‑cargo, mais pas pour remplir un conteneur de fret maritime, un mode de transport de marchandises pourtant moins coûteux. Il a ajouté qu'en réglant les problèmes d'engorgement au niveau du four, l'entreprise pourrait tout à fait soutenir la concurrence sur le marché international car les noix de cajou brutes étaient disponibles en grandes quantités.
Compte tenu de l'augmentation de la demande mondiale de noix de cajou et des tendances au lait de noix et aux superaliments, les mesures prises par la Gambie dans ce secteur sont stratégiques et opportunes.
"On constate une évolution positive. Les statistiques montrent que la valeur des exportations nationales est passée de 606 millions à 754 millions de dalasis en 2016 et cette évolution semble se poursuivre", a dit Touray.
En parlant de cette noix génératrice de revenus, Faye a dit ceci: "La noix de cajou est très intéressante. Elle peut être utilisée de diverses manières. On peut la manger crue, on peut la transformer et on peut l'exporter. J'ai pu payer les frais de scolarité de ma fille grâce aux bénéfices que j'en ai tirés."
"Aujourd'hui, je ne produis pas seulement de la noix de cajou; grâce à elle, j'ai eu le courage de me lancer dans d'autres cultures. Comme vous le voyez, il n'y a pas que des anacardiers dans la pépinière. J'ai aussi des limettiers et des manguiers, entre autres. Je vends tout cela", a dit Faye alors que des dizaines d'oiseaux pépiaient derrière lui.
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