L'impact dévastateur de la COVID-19 sur le secteur mondial du tourisme est évident. Pour de nombreux pays les moins avancés (PMA), le tourisme est une source cruciale d'emplois, de contributions au PIB et d'entrées de devises. Les restrictions sur les voyages aériens, la mise en quarantaine obligatoire des voyageurs à l'arrivée et la fermeture d'entreprises dans les secteurs du tourisme et de l'hôtellerie, en plus d'un effondrement de la demande, ont provoqué un choc sans précédent.
Avec ses nombreuses attractions touristiques naturelles majeures, la Tanzanie en ressent les effets. La 14ème mise à jour économique de la Tanzanie (TEU) de la Banque mondiale prévoit un ralentissement de la croissance économique à 2,5% en 2020, contre 6,9% en 2019. Les opérateurs touristiques tanzaniens anticipent une contraction des revenus de 80% ou plus en 2020. Et à l'échelle du pays, la crise pourrait faire passer 500 000 Tanzaniens sous le seuil de pauvreté, ce qui toucherait surtout les personnes employées dans l'économie informelle.
Selon une étude du gouvernement tanzanien sur les impacts de la COVID-19 sur le secteur du tourisme, sans la pandémie, la saison 2020 aurait attiré environ 1,9 million de touristes et généré 2,9 milliards de dollars de devises. En l'absence de pandémie, le gouvernement aurait perçu des recettes de 2 700 milliards de TZS (1,16 milliard de dollars EU), et le secteur aurait fourni des emplois directs à 622 000 personnes[1].
Sur des sites tels que le cratère du Ngorogoro, les parcs nationaux du Serengeti et du Selous, le Mont Kilimandjaro et Zanzibar, la Tanzanie compte de nombreuses entreprises certifiées et pratiquant ce que l'on appelle le "tourisme responsable". Ce type de tourisme génère des bénéfices pour les communautés locales gravitant autour des attractions touristiques et contribue à minimiser les impacts négatifs sur l'environnement.
"Cependant, il n'y a pas de tourisme responsable sans voyage", a déclaré Julius Lesanoi, auditeur dans le cadre de programmes de certification internationaux tels que Travelife, Flocert et Responsible Tourism Tanzania (RTTZ).
Réponse face à la COVID-19
"La Tanzanie a connu une très brève période de restriction des mouvements de mars à mai 2020, ainsi que des fermetures des frontières et de l'espace aérien, avec très peu d'obligation de confinement à l'échelle nationale. Les annonces et les directives du gouvernement pour rouvrir l'espace aérien et redémarrer les entreprises dans le strict respect des recommandations de l'OMS et des autres mesures sectorielles à partir de juin n'ont pas suffi à ramener la croissance du secteur du tourisme responsable à son niveau initial, car les marchés d'origine et les pays voisins ont prolongé la fermeture de leurs frontières et de leur espace aérien, ainsi que leurs restrictions de voyage", a déclaré M. Lesanoi.
Ce ralentissement du tourisme a un impact sur les moyens de subsistance, et a conduit à des licenciements et du chômage.
Johannes Solar Obeto, Directeur général de Responsible Beings, a déclaré: "Nous avons vu des résiliations de contrats, tant pour les travailleurs indépendants que pour les salariés, sans préavis suffisant ni délai précis quant à la reprise du travail. Certains employeurs ont opté pour des réductions de salaire afin de conserver certains employés. Ce qui est évident, c'est que la vie ne sera pas la même pour le personnel directement licencié ou pour les quelques personnes qui continuent à recevoir des versements incomplets en attendant le retour à une activité régulière".
"La vie s'est rapidement transformée dans des villes comme Arusha, Karatu, Mugumu, Moshi et Zanzibar où un grand nombre de soutiens de famille, de jeunes et d'autres dépendaient du secteur du tourisme, qui enregistre actuellement des arrivées internationales bien en dessous des objectifs minimums et, la plupart du temps, aucune", a-t-il déclaré.
Depuis août 2020, de nombreux pays ont commencé à passer d'une réponse immédiate à des phases de reprise à court terme. Les restrictions de voyage sont maintenant assouplies et il y a des lueurs d'espoir pour les entreprises touristiques, en particulier celles des PMA qui n'ont peut‑être pas bénéficié dans la même mesure que les autres des mesures d'aide d'urgence.
Selon la dernière analyse de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), 40% de toutes les destinations dans le monde ont désormais assoupli les restrictions qu'elles imposaient au tourisme international en réponse à la COVID-19. Depuis août 2020, le tourisme en Tanzanie est ouvert, même si des mesures de sécurité renforcées ont été mises en place pour protéger le personnel et les voyageurs, et il n'y a pas de période d'isolement ou de quarantaine obligatoire de 14 jours pour les voyageurs.
Au vu des pays qui cherchent à rouvrir leur secteur touristique, la Banque mondiale a publié en juillet une analyse intitulée "Rebuilding Tourism Competitiveness: tourism response, recovery and resilience to the COVID-19 crisis" (Reconstruire la compétitivité du tourisme: réponse, reprise et résilience du tourisme face à la crise de la COVID-19), qui fournit des recommandations pour les phases de reprise à court et à moyen terme.
Des efforts sont-ils déjà déployés dans ces domaines en Tanzanie et plus particulièrement dans le sous-secteur du tourisme responsable ? Que pourrait-on faire pour aider à la reprise?
Étude de marché
Le document de la Banque mondiale recommande que les pays qui passent de la réaction à la reprise suivent l'évolution du ressenti des voyageurs afin de comprendre quels segments de marché seront les premiers à repartir et quels investissements sont nécessaires pour attirer des marchés plus réfractaires au risque. Par exemple, les efforts peuvent porter sur l'amélioration des conditions de santé et d'hygiène dans les hôtels et les aéroports ou sur un dépistage sanitaire permanent dans les aéroports. Il serait bon que le gouvernement, les partenaires du développement et le secteur privé en Tanzanie comprennent mieux ces segments de marché réactifs et les éventuelles opportunités de marché pour un tourisme responsable.
À court terme, la Tanzanie devrait continuer à relancer ses destinations grâce à des promotions de "redémarrage" auprès des principaux marchés sources, et les entreprises devraient chercher à comprendre les avantages d'une extension des offres à prix réduit.
Remise à niveau des compétences
Des efforts doivent être faits pour former et perfectionner le personnel du secteur du tourisme et de l'hôtellerie, en mettant l'accent sur la stabilité et les possibilités d'emploi à long terme. Cela permettra de surmonter la réputation d'instabilité du secteur et les pertes d'emploi soudaines. En Tanzanie, par exemple, l'OIT, avec le soutien de la Norvège et de Coopération économique suisse (SECO), a par le passé aidé le Ministère du tourisme et des ressources naturelles, le Collège national du tourisme, l'Association des hôtels de Tanzanie et l'Association des employeurs de Tanzanie à mettre en place des programmes d'apprentissage et de formation du personnel du tourisme en partenariat étroit avec les hôtels.
"Un domaine dans lequel la COVID-19 aura un impact concernera les préférences futures des jeunes universitaires."
"Les jeunes ont vu de leurs propres yeux les difficultés causées par la COVID‑19 sur le marché du travail du tourisme. La Tanzanie n'était pas confinée, et d'autres activités commerciales et de subsistance continuaient d'avoir lieu, à l'exception du tourisme et de l'industrie hôtelière. De plus, les jeunes diplômés qui espéraient entrer sur le marché de l'emploi dans le secteur du tourisme après avoir terminé leurs études ont également été laissés pour compte", a déclaré M. Lesanoi.
Normes de tourisme responsable
La Tanzanie est bien placée grâce à l'initiative Responsible Tourism Tanzania qui aide à contrôler et à certifier les hôtels et les lodges selon les critères internationaux du tourisme responsable. Ces normes comprennent des éléments tels que les droits des employés en matière de contrats et de rémunération équitables, et la réduction au minimum des impacts sociaux et économiques néfastes. Avec le soutien du gouvernement, du secteur privé et des partenaires au développement, un plus grand nombre d'entreprises tanzaniennes pourraient être encouragées à comprendre l'intérêt d'obtenir une certification selon les normes internationales de tourisme responsable.
M. Lesanoi a déclaré: "Certains affirment que la pandémie de COVID-19 a eu des effets bénéfiques marginaux sur le rétablissement de la nature et des écosystèmes suite à l'absence d'activités touristiques".
"Mais on affirme également que l'absence de fréquentation touristique dans les zones protégées a augmenté la pression pour ce qui est du braconnage des animaux sauvages et d'autres activités illégales. Une grande leçon tirée de la COVID-19 et qui devrait durer très longtemps concerne en fait la manière d'adopter des principes de tourisme responsable qui favorisent la conservation de l'environnement et la sensibilisation des parties prenantes dans le contexte de la lutte pour maintenir les avantages économiques du secteur du tourisme".
Diversification
Le document de la Banque mondiale recommande que les pays cherchent à se diversifier géographiquement en favorisant les séjours dans des zones rurales à faible densité et pas seulement les destinations traditionnelles de villégiature. Dans ce domaine, la Tanzanie représente depuis longtemps un modèle de faible densité haut de gamme. Toutefois, il est possible de diversifier l'offre touristique en offrant aux Tanzaniens d'autres destinations dans le pays venant compléter celles qui sont bien établies – Serengeti, Kilimandjaro, Ngorogoro etZanzibar. C'est la politique du Ministère tanzanien des ressources naturelles et du tourisme depuis de nombreuses années et cela se reflète dans la stratégie touristique tanzanienne actuelle et à venir, mais cela peut nécessiter le soutien des partenaires du développement pour aider à catalyser le processus en raison du financement requis.
Selon M. Lesanoi, la COVID-19 a rappelé au secteur du tourisme responsable de la Tanzanie combien ce secteur est dépendant et fragile et à quel point la circulation des personnes est essentielle.
La promotion et l'expansion des opportunités offertes par le tourisme local en Tanzanie seront cruciales pour renforcer la résilience future. Cela permettra également d'améliorer la compréhension et l'appréciation des concepts fondamentaux du tourisme responsable, à savoir l'engagement communautaire responsable et la protection de l'environnement au sein de la population nationale.
Il reste à voir combien d'entreprises tanzaniennes réussiront à survivre si les restrictions de voyage sont réintroduites avant la fin de l'année et des temps difficiles pourraient encore attendre de nombreux acteurs du secteur.
La Tanzanie a la chance d'être dotée de certains des plus beaux sites touristiques naturels du monde – et rien ne lui enlèvera cela. Alors que le monde traverse difficilement la pandémie mondiale, la Tanzanie restera une destination touristique importante. Un gros travail d'analyse a été effectué pour guider le pays dans la tempête, et le gouvernement tanzanien, en étroite collaboration avec ses partenaires, peut prendre dès maintenant des mesures significatives pour la reprise à court et à moyen terme.
"Il ne s'agit pas de penser au retour à la normale ou de faire comme si de rien n'était, mais plutôt de bien se préparer et d'adopter la nouvelle normalité – ce qui revient à mettre en œuvre les principes du tourisme responsable", a déclaré M. Lesanoi.
Le 7 octobre, les pays du G-20 se sont engagés à intensifier leurs efforts pour que la durabilité et l'inclusion soient au cœur de la reprise du tourisme, en plaçant le tourisme au centre des politiques de développement, compte tenu de l'importance du secteur pour la réalisation des ODD. Il reste à voir à quelle vitesse cela se traduira en actions sur le terrain dans des PMA tels que la Tanzanie, mais c'est certainement un signe positif.
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Une liste des entreprises bénéficiant de la certification de tourisme responsable en Tanzanie est disponible ici https://www.rttz.org/responsible-operators/.
[1] Rapid Assessment of the Impact of Corona Virus Disease (COVID-19) on the Tanzania's Tourism Sector, Ministry of Natural Resources and Tourism, République unie de Tanzanie, Dodoma, avril 2020.
Header image of a canopy walk for tourists at Kakum National Forest in Ghana - ©Jonathan Ernst/World Bank via Flickr Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivs 2.0 Generic (CC BY-NC-ND 2.0) license
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