Pour que le processus de sortie de la catégorie des PMA reprenne et pour aider d'autres PMA, la réforme du système international de soutien doit être radicale et vaste.
Au début de 2020, une dizaine de pays les moins avancés (PMA) devaient sortir de cette catégorie au milieu de la décennie. Ce calendrier semble aujourd'hui incertain.
La COVID‑19 a entraîné des pertes en vies humaines sans précédent alors que les systèmes de santé mal préparés luttent pour faire face à la situation et que des travailleurs confinés perdent leurs moyens de subsistance. De nombreuses économies s'effondrent en raison de la chute de la demande d'exportations, de l'arrêt du tourisme et de l'effondrement des envois de fonds dû au rapatriement des travailleurs étrangers. Alors que les PMA et d'autres pays s'efforcent de rembourser leurs dettes, des turbulences financières mondiales se profilent à l'horizon.
Le Comité des politiques de développement (CDP) de l'ONU, organe chargé d'examiner la liste des PMA et de formuler des recommandations de sortie de cette catégorie, consulte les gouvernements sur les mesures à prendre. Aucune décision n'a encore été prise pour retarder le retrait d'un pays de la liste des PMA ou pour proroger les périodes de transition. Les issues peuvent toutefois être diverses.
Source: Comité des politiques de développement.
*ECOSOC: Conseil économique et social de l'ONU.
Six pays n'étaient pas loin de remplir pour la première fois les critères de l'ONU permettant de sortir de la catégorie des PMA: le Cambodge, Djibouti, le Lesotho, le Sénégal, le Togo et la Zambie. Le coronavirus va ralentir leur progression.
Il ne faut pas considérer le ralentissement actuel comme un événement ponctuel et penser que les PMA rebondiront rapidement. L'expérience tirée de la crise économique mondiale de 2007‑2008 suggère que les PMA mettront des années à s'en remettre.
Les crises sanitaires, économiques et environnementales sont de plus en plus fréquentes au niveau mondial, et les PMA en paient systématiquement le lourd tribut. Même avant le choc actuel, les PMA souffraient plus que la plupart des autres pays du caractère fluctuant du commerce, de l'instabilité financière, de la volatilité des cours des produits de base, des cyclones, des sécheresses et d'autres catastrophes.
On n'a pas fait assez pour rendre les PMA plus résistants ou pour augmenter leurs recettes. Dans un document publié le mois dernier par le Secrétariat du Commonwealth, j'argue que les mesures de soutien prises en faveur des PMA pourraient être beaucoup plus ambitieuses.
Une refonte complète du système de soutien international doit viser non seulement les 18 pays qui ont atteint le seuil de sortie de la catégorie des PMA ou qui s'en approchent, mais aussi les 29 autres, dont beaucoup sont devenus plus vulnérables ces dernières années et se sont encore plus éloignés de la possibilité d'un reclassement.
La reprise après la COVID‑19 offre la possibilité d'apporter des améliorations systémiques et profondes à l'architecture multilatérale relative aux PMA, et ce sous l'impulsion des gouvernements des PMA eux‑mêmes et en tenant compte des différents contextes.
Si le soutien actuel apporté aux PMA est le bienvenu, toute nouvelle architecture de soutien devrait être beaucoup plus étendue et couvrir six domaines:
1. Système international
Les entités et institutions de l'ONU telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international devraient mieux coordonner les activités liées aux PMA et tenir davantage compte de cette catégorie lorsqu'elles prennent des décisions en matière de prêt, d'aide ou autres. Un mécanisme de soutien au reclassement, tel qu'envisagé par le CDP au début de l'année, permettrait de tenir compte des différences existant au sein de cette catégorie. Une aide directe devrait être fournie aux membres les moins avancés du groupe.
2. Finances et investissement
Les donateurs devraient atteindre les objectifs officiels et allouer une proportion plus importante de l'aide aux pays sortant de la catégorie aux fins du renforcement de leurs capacités productives. Pour tous les PMA, les nouvelles formes de financement doivent être abordées avec prudence et de manière stratégique. Il faut accorder une plus grande importance à l'augmentation des recettes publiques. Lors de crises aussi graves que celle que nous traversons actuellement, il convient non seulement d'annuler les dettes, mais aussi de suspendre les paiements d'intérêts.
3. Commerce
Le traitement spécial et différencié (TSD) de l'Organisation mondiale du commerce en faveur des PMA, bien qu'utile, pourrait être renforcé. Certains types de TSD sont déjà épuisés ou le seront bientôt et pourraient être étendus. Plusieurs pays n'appliquent pas une franchise complète de droits aux exportations des PMA, alors qu'il a été démontré qu'un assouplissement des règles d'origine profitait aux exportateurs des PMA. Le commerce électronique joue un rôle plus important dans le commerce de ces pays, et dans ce contexte, il faut continuer à accorder la priorité aux intérêts des PMA dans les accords bilatéraux et multilatéraux.
4. Produits de base et ressources
La volatilité des prix des produits de base a été l'une des plus grandes sources d'instabilité pour les PMA, et une série de propositions innovantes ont été faites pour lisser les prix, notamment un mécanisme de financement anticyclique, des taxes sur les transactions et des accords "intelligents" revitalisés sur les produits de base.
5. Technologie
La nouvellebanque technologique pour les PMA a été lancée avec un petit budget et devrait bénéficier d'un meilleur financement. Il faut encourager le partage de connaissances et la diffusion de la technologie dans les PMA au moyen du transfert de personnel des entreprises.
6. Dérèglements climatiques et environnement
Les PMA sont davantage touchés que la plupart des autres pays. La collaboration Sud‑Sud pourrait être davantage encouragée, le fonds pour les PMA reconstitué et le financement rendu plus accessible. Les exigences administratives en matière de financement sont souvent excessives pour les petits pays dont les capacités sont limitées. Il faudrait que la résilience face aux catastrophes revête davantage un caractère préventif et que cette notion soit prise en compte dans les infrastructures, plutôt que d'être abordée uniquement sous l'angle de l'assurance.
Sans une réforme profonde du soutien international, tout espoir d'atteindre les objectifs de reclassement sera vain. Il faudra de nombreuses années pour que le ralentissement causé par la COVID‑19 s'estompe. Pour remettre les choses sur les rails, le monde doit contribuer à amortir l'impact de cette crise et à protéger les PMA contre celles à venir.
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Le 28 mai 2020, un séminaire en ligne sur la sortie de la catégorie des PMA et les impacts de la COVID‑19 sera organisé par le CIR et le Secrétariat du Commonwealth. Inscrivez‑vous ici.
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