On sait tous que le monde se divise entre pays développés et pays en développement. Mais ce que l'on sait moins, c'est que certains pays en développement sont tellement en retard du point de vue de la taille et de la forme de leur économie qu'ils méritent d'être placés dans une catégorie spéciale, avec des relations différentes avec les autres nations.
Cette catégorie des pays les moins avancés (PMA) a été établie en 1971 par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED). Les pays concernés sont aujourd'hui au nombre de 48. Leurs problèmes figurent parmi les défis de développement les plus complexes que connaît la communauté internationale. En fait, quatre pays seulement sont sortis de la catégorie des PMA: le Botswana en 1994, Cabo Verde en 2007, les Maldives en 2011 et Samoa en 2014.
Ces résultats médiocres ont incité l'ONU à Istanbul en 2011 à établir un programme d'action spécial ayant pour objectif de permettre à la moitié au moins des PMA de remplir les critères nécessaires pour changer de catégorie d'ici à la fin de cette décennie. Un examen à mi‑parcours ayant lieu à Antalya (Turquie) du 27 au 29 mai, il est maintenant temps de se pencher à nouveau sur l'avenir des pays les plus défavorisés et vulnérables du monde.
(Image: Source: CAD‑OCDE/Système de notification des pays créanciers – base de données sur les activités d'aide)
Il y a quand même de bonnes nouvelles. La Guinée équatoriale, le Vanuatu et l'Angola ne feront plus partie de la catégorie des PMA en 2017, 2020 et 2021, respectivement. Pour leur part, le Bhoutan, les Îles Salomon, le Népal, Sao Tomé‑et‑Principe et Timor‑Leste ont été jugées "préadmissibles" à une sortie de la catégorie des PMA et devraient y parvenir d'ici à 2021. Par ailleurs, les données concernant les trois derniers cas de changement de catégorie montrent que la situation de ces pays s'est améliorée ou à tout le moins n'a pas empiré après le changement de catégorie, et ce qu'il s'agisse des revenus, des exportations, des investissements étrangers directs ou de l'Aide pour le commerce. Les indicateurs de développement humain comme les niveaux d'éducation et de santé ont également continués de s'améliorer.
Mais nous sommes loin de l'objectif fixé, à savoir diminuer par deux le nombre de PMA.
Il est important de noter que la vulnérabilité économique n'a pas sensiblement diminué. De nombreux PMA sont tributaires des exportations de produits de base et, par suite d'une diversification à l'exportation insuffisante, ont beaucoup de mal face à la récente chute des prix de ces produits. Les PMA restent également très exposés aux chocs économiques et naturels, y compris les menaces liées aux changements climatiques, et sont mal équipés pour relever de tels défis. C'est particulièrement vrai des petits États en développement insulaires qui représentent 10 des 48 PMA.
De nombreux gouvernements des PMA continuent aussi de considérer le changement de catégorie comme une menace plutôt qu'une possibilité car ils risquent de perdre leur accès aux marchés préférentiel unilatéral et de voir les niveaux de l'aide s'amenuiser.
Les problèmes que pose le changement de catégorie sont illustrés par le cas du Népal qui est préadmissible car ses indicateurs sociaux se sont améliorés de même que sa résilience économique. Mais la nation himalayenne doit relever un double défi: se préparer à une perte d'accès aux marchés préférentiel – un avantage vital pour son secteur des textiles et vêtements qui revêt une importance majeure – tout en ayant en même temps à reconstruire d'importants segments de son économie après les terribles tremblements de terre qui ont frappé le pays l'an dernier. La décision de retirer le Népal de la liste des PMA d'ici à 2021, si elle est confirmée par un nouvel examen en 2018, pourra sembler prématurée. Le pays doit encore faire face à des risques qui échappent à son contrôle et aura du mal à conserver ses gains dans des domaines tels que l'éducation après la catastrophe de 2015, durant laquelle 25 000 salles de classe de 8 000 écoles environ ont été détruites.
Pour toutes ces raisons, de nombreux PMA considèrent qu'il faut faire plus pour faciliter une transition sans heurts des PMA ayant changé de catégorie. À cet égard, ils souhaiteraient un cadre international qui les soutienne davantage, le système des Nations Unies jouant quant à lui un rôle de premier plan, et ils estiment que certains exemples positifs pourraient être utilisés et reproduits.
C'est dans ce cadre que s'inscrit la proposition faite par l'Union européenne en 2008 de prolonger le traitement préférentiel d'accès au marché européen en franchise de droits et sans contingent accordé aux PMA pour une période supplémentaire de trois ans après leur changement de catégorie. De même, le Cadre intégré renforcé (CIR) – seul programme multidonateurs exclusivement destiné à aider les PMA à utiliser le commerce comme moyen de réduire la pauvreté et de promouvoir la croissance – offre à tous les PMA qui changent de catégorie l'opportunité de continuer de recevoir une assistance technique durant une période pouvant aller jusqu'à cinq ans après le reclassement. Tous les PMA étant récemment sortis de la catégorie des pays les moins avancés ont pleinement tiré parti de cette aide pour élaborer ou consolider leurs stratégies de commerce et de développement aussi bien avant d'atteindre le seuil du reclassement qu'après avoir changé de catégorie.
(Image: Source: CAD‑OCDE/Système de notification des pays créanciers – base de données sur les activités d'aide)
Pour permettre à un plus grand nombre de PMA de bénéficier d'une transition sans heurts vers une nouvelle catégorie, le CIR et la CNUCED proposent quatre voies visant à promouvoir le commerce, attirer l'investissement privé et parvenir à une diversification des exportations:
Réduire les formalités administratives pour rendre le commerce transfrontières moins coûteux et diversifier les économies des PMA, en utilisant pleinement le potentiel inexploité d'intégration régionale plus poussée, qui contribue à améliorer la croissance économique et la résilience.
Créer un régime réglementaire et juridique favorable à l'investissement national et étranger de manière à exploiter le capital privé. Les mesures d'incitation et autres initiatives favorisant l'investissement dans les petites et moyennes entreprises sont particulièrement importantes à cet égard.
Créer un environnement propice à l'amélioration du commerce des services, y compris des préférences pour les exportations de services des PMA et, dans les PMA eux‑mêmes, remédier aux contraintes du côté de l'offre et investir dans les services d'infrastructures. C'est là un nouveau domaine pour les PMA, offrant une mine de possibilités non seulement dans des services généraux tels que le tourisme mais aussi dans des services internationaux modernes, y compris le traitement des données. Le secteur de la culture et de la création est un domaine où de nombreux PMA excellent et pourrait être exploité de manière plus productive.
Saisir l'avantage du précurseur dans le domaine du commerce électronique. Selon une estimation récente, cela aurait le potentiel de réduire les coûts du commerce liés à l'éloignement géographique dans une mesure pouvant aller jusqu'à 65%. La technologie en ligne peut faire du commerce international une réalité, y compris dans les pays pauvres aux institutions peu développées, de sorte que les PMA qui ont un accès limité au numérique et qui utilisent peu les cartes de crédit devraient investir dans ce secteur. L'initiative de la CNUCED en faveur du commerce électronique, qui sera lancée lors de sa conférence quadriennale prévue en juillet 2016 à Nairobi (Kenya), aidera les décideurs et le secteur privé à coordonner leur action en ce qui concerne cette nouvelle possibilité de développement.
En bref, un effort ascendant et concerté des PMA et de leurs partenaires dans les domaines du commerce et du développement contribuera à créer un environnement mieux à même de répondre à l'objectif du changement de catégorie.
Le CIR et la CNUCED sont prêts à aider les PMA à sortir du cercle vicieux des faibles revenus et des handicaps structurels. Il est grand temps d'offrir un véritable espoir à des millions de personnes qui se sont vu trop longtemps refuser l'avenir prospère qu'elles méritent.
Ce blog a été rédigé conjointement par M. l'Ambassadeur Joakim Reiter, Secrétaire général adjoint de la CNUCED et M. Ratnakar Adhikari, Directeur exécutif du Secrétariat exécutif du Cadre intégré renforcé, et il a été initialement publié le 27 mai 2016 dans le cadre du programme du Forum économique mondial disponible à l'adresse "https://www.weforum.org/agenda/2016/05/4-ways-the-world-s-least-developed-countries-can-improve-trade/".
Lien vers le blog: http://www.enhancedif.org/fr/node/4270.
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