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La catégorie des pays les moins avancés (PMA) a été créée pour permettre la mise en place de mesures de soutien spécifiques pour ces pays, qui accusaient un retard par rapport à d'autres pays en développement. Le reclassement signifie que l'écart de développement, à défaut de disparaître, a été restreint. Il a aussi pour conséquence un changement dans les mesures de soutien qu'un pays reçoit de la part de ses partenaires de développement.
Le rôle des mesures de soutien spécifiquement destinées aux PMA sur la voie du développement varie généralement selon les pays, car les conditions ne sont pas les mêmes d'un pays à l'autre. Toutefois, les PMA bénéficiant de ce soutien devront s'ajuster à son retrait. Il est largement accepté qu'une stratégie de transition est nécessaire pour orienter ce processus, mais il est nécessaire de renforcer les mesures de soutien existantes à cet égard. La cinquième Conférence des Nations Unies sur les PMA (UNLDC-V), qui aura lieu prochainement, sera une excellente occasion de s'y employer.
Intégrer la transition sans heurt aux stratégies de développement à long terme
La concrétisation du développement durable est un processus continu et évolutif. En conséquence, le reclassement ne devrait pas être considéré comme une rupture, mais comme une étape dans le processus de développement d'un pays. Du fait des conséquences du changement de catégorie sur l'aide reçue, il est nécessaire de planifier cette nouvelle phase.
Un soutien continu des partenaires de développement est essentiel. Les pays qui quittent la catégorie des PMA auront besoin d'importantes capacités institutionnelles pour s'adapter à leur nouvel environnement en matière de coopération pour le développement, entrer en concurrence pour obtenir des financements et des parts de marché, mettre en œuvre les disciplines des accords internationaux dont ils ont jusque là été exemptés, et mener des négociations efficaces en ce qui concerne le développement avec des partenaires publics et privés. Il existe à l'heure actuelle peu d'informations sur la manière dont les pays pourraient procéder et sur l'aide à laquelle ils peuvent s'attendre pour s'adapter à leur nouvelle situation.
Renforcement du conseil stratégique …
Une possibilité est de mieux utiliser les outils et mécanismes existants, par exemple l'évaluation d'impact, un rapport qui recense les formes d'aides spécifiques utilisées par un PMA pouvant prétendre à un reclassement. Il est nécessaire que les organes de l'ONU travaillant dans les pays, et sur l'activité desquels le reclassement pourrait avoir des effets, participent davantage. Cette participation est à l'heure actuelle limitée.
De plus, à la demande du pays concerné, le rapport pourrait avoir une portée plus large et inclure un addendum relatif au conseil stratégique et aux orientations concernant les toutes premières étapes et mesures possibles que le pays devrait envisager. L'addendum pourrait notamment envisager les arrangements institutionnels nécessaires à la gestion du processus de transition. Il pourrait aborder des questions de fond concernant les domaines dans lesquels des données supplémentaires sont nécessaires pour mieux évaluer les effets du reclassement et éclairer l'élaboration des politiques. Il pourrait envisager, dans les grandes lignes, des options possibles pour faire face aux conséquences du reclassement.
Le rapport enrichi serait alors examiné par le Comité des politiques de développement (CDP), l'organe chargé de formuler des recommandations relatives au changement de catégorie auprès du Conseil économique et social de l'ONU. Il serait fait part au pays concerné et à ses partenaires de développement des conclusions et recommandations du Comité, ce qui permettrait de jeter les bases d'une feuille de route pour la transition.
… y compris une meilleure coordination au sein du système des Nations Unies
Une meilleure coordination au sein du système des Nations Unies est également nécessaire. À l'heure actuelle, la communication entre les instances législatives et opérationnelles de l'ONU est insuffisante, et les changements que pourrait induire le reclassement ne sont pas dûment examinés au niveau local.
Au niveau des pays, les orientations du système de soutien des Nations Unies sont définies par le plan cadre des Nations Unies pour l'aide au développement (PNUAD) et axées sur la mise en œuvre du Programme de développement durable à l'horizon 2030. Un bilan commun de pays est effectué afin de repérer les difficultés immédiates rencontrées au niveau national et d'éclairer l'élaboration des politiques et programmes locaux de l'ONU. Ces rapports traitent rarement du statut de PMA des pays ou des reclassements à venir. Si le PNUAD est le cadre le plus adapté pour permettre à un pays en cours de reclassement des orientations sur sa stratégie de transition, une coordination avec le processus de reclassement est nécessaire.
L'évaluation d'impact fournit des informations pertinentes sur les difficultés qui se profilent au niveau national et devrait être considérée comme une contribution au PNUAD. Cela aiderait les pays en transition à faire converger les processus relevant du CDP et les mesures prises au niveau national. Intégrer la notion de transition sans heurt dans le PNUAD garantirait que l'adaptation aux conditions requises pour prétendre au reclassement serait compatible avec la réalisation des objectifs plus larges de développement durable, et qu'elle y contribuerait. Les pays qui changent de statut devraient avoir un rôle plus actif à jouer en vue de cette intégration.
Rationalisation et meilleure utilisation des rapports de suivi
À l'heure actuelle, une série de rapports de suivi sur les progrès des pays en matière de développement sont rédigés avant et après le reclassement. On en compte entre 8 et 11 par pays, et l'exercice de suivi peut durer jusqu'à 15 ans!
L'utilité de cet exercice n'est pas évidente. Premièrement, la participation des pays est loin d'être optimale. Deuxièmement, les conclusions du suivi sont noyées dans le rapport du CDP et ne sont pas suffisamment examinées par les instances intergouvernementales compétentes. Troisièmement, les rapports de suivi semblent redondants. Les tendances concernant le développement dans ces économies font déjà l'objet de nombreuses études récurrentes de la part d'organisation internationales, et celles ci fournissent déjà une quantité considérable d'informations et d'analyses des politiques.
Pour être utiles, les rapports de suivi devraient fournir aux pays en cours de reclassement et aux pays reclassés davantage d'informations et d'options sur la mise en œuvre harmonieuse de leur stratégie et porter les difficultés rencontrées à l'attention des partenaires internationaux de développement.
Idéalement, les rapports de suivi devraient être moins nombreux et mieux intégrés aux processus d'examen internationaux tels que le Programme d'action en faveur des PMA et les examens nationaux volontaires prévus par le Programme 2030. Ainsi, la transition harmonieuse serait mieux reliée à la mise en œuvre du programme relatif aux Objectifs de développement durable, et elle serait traitée comme l'une de ses composantes.
Au niveau national, le processus de suivi du PNUAD pourrait aussi servir de point d'ancrage aux rapports de suivi réalisés par le pays lui même.
Améliorer le retrait progressif des mesures de soutien
Enfin, il est nécessaire de réexaminer et d'améliorer le retrait progressif des mesures de soutien.
L'aide publique au développement reste une source importante de financement pour les PMA. Le fait d'avoir accès ou de ne plus avoir accès à des financements attribués à des conditions favorables par les institutions financières internationales n'est pas déterminé par le statut de PMA, mais ce n'est pas nécessairement le cas des flux bilatéraux publics.
Les conditions de financement peuvent être moins favorables une fois le pays sorti de la catégorie des PMA. Les pays donateurs devraient envisager de continuer à traiter les pays reclassés comme des PMA s'ils sont toujours admissibles aux financements attribués par les institutions financières internationales à des conditions favorables. Cela aurait aussi pour effet de renforcer la cohérence du système international de financement du développement en permettant une meilleure harmonisation des politiques des donateurs.
L'accès à des fonds attribués à des conditions favorables pour le financement de l'action climatique est essentiel pour les PMA vulnérables sur le plan écologique, mais il n'est plus possible, au bout d'un certain temps, pour les pays reclassés. Les pays sortis de la catégorie des PMA se trouvent en concurrence, dans l'environnement complexe du financement de l'action climatique, pour obtenir des fonds et avoir accès à des experts. Souvent, les PMA ne savent pas comment accéder à ces ressources non exclusives. Ainsi, des initiatives telles que le Fonds pour les PMA du Fonds pour l'environnement mondial pourraient envisager une formation destinée aux pays sortant de la catégorie des PMA afin de leur fournir des informations sur les ressources disponibles et sur la marche à suivre pour bénéficier d'autres initiatives existantes, et notamment leur indiquer comment obtenir de l'aide pour rédiger et soumettre des propositions de projet.
Cette mesure ne devrait pas être limitée aux fonds concernant l'action climatique. Les ateliers sur le reclassement et les formations sur le changement de catégorie offerts dans le cadre d'initiatives destinées aux PMA devraient faire partie intégrante du nouveau cadre d'aide au reclassement. Par exemple, le Cadre intégré renforcé (CIR) pourrait, à la demande des pays concernés par le reclassement, coordonner des ateliers de renforcement des capacités qui leur permettraient d'aborder la mise en œuvre des disciplines de l'OMC dont ils avaient été exemptés en tant que PMA.
L'ajustement du retrait progressif des mesures de soutien qui est suggéré ici permettra aux pays sortant de la catégorie des PMA de mieux comprendre les difficultés qui les attendent et de disposer des outils nécessaires pour effectivement accéder aux aides mises à leur disposition en tant que pays ne faisant plus partie des PMA.
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Ana Luiza Cortez est consultante internationale. Elle a été Secrétaire du Comité des politiques de développement.
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