"Bois inutile porte fruit précieux": aux Tuvalu, la première exportation de déchets a récemment donné tout son sens à ce proverbe.
En juin 2021, deux conteneurs d'expédition remplis de débris de cannettes en aluminium ont quitté cet État du Pacifique en direction de la Corée du Sud. Pour la première fois, l'archipel donnait corps à son engagement en faveur de l'économie circulaire.
La gestion des déchets pose un problème de taille aux Tuvalu. D'une superficie de 25,6 km2, l'archipel n'a guère de place pour de vastes décharges. En fait, il dispose à peine de l'espace nécessaire à celle qui se trouve actuellement sur son île principale, Funafuti. Petit pays du Pacifique composé d'atolls, les Tuvalu dépendent fortement des importations pour la satisfaction des besoins de leurs habitants. L'État importe toutes sortes de produits, des denrées alimentaires aux vêtements, en passant par les appareils électroniques et les voitures. Mais que faire de ces biens une fois qu'ils ont servi, ou lorsqu'ils deviennent inutilisables? Les déchets ainsi produits n'ont nulle part où aller.
Le Département de la gestion des déchets des Tuvalu prend cette question très au sérieux. Le premier principe directeur formulé dans la Politique et le Plan d'action des Tuvalu pour une gestion intégrée des déchets 2017-2026 est de "Réduire, Réutiliser, Recycler et Renvoyer". Tamala Pita, fonctionnaire responsable de l'approvisionnement et des actifs au Département de la gestion des déchets, le souligne: "Le concept d'économie circulaire revêt une grande importance pour nous compte tenu de notre taille. C'est pourquoi nous avons interdit les sacs en plastique à usage unique sur les îles et réfléchissons à élargir le champ des produits recyclables, au‑delà de l'aluminium et du plastique, aux piles et débris métalliques."
Il n'en a pas toujours été ainsi. Avant 2019, le Département de la gestion des déchets ne disposait d'aucune capacité de recyclage. Les cannettes en aluminium de Funafuti étaient recyclées par un particulier, qui les exportait en petits lots. Voyant là une occasion à saisir, le Département de la gestion des déchets a noué un partenariat avec le Département du commerce. Ensemble, avec le soutien du Cadre intégré renforcé, ils ont acheté une presse à balles et construit un abri pour la machine sur l'île principale. Une presse à balles sert à comprimer des matériaux usagés comme l'aluminium pour en faire des balles. Les déchets sont ainsi plus faciles à stocker et à transporter.
En collaboration avec les autorités locales, le Département de la gestion des déchets a procédé à la collecte de l'ensemble des cannettes d'aluminium sur les huit îles des Tuvalu. Les cannettes ont été ramenées à Funafuti pour y être broyées. Les débris de cannettes ont ensuite été chargés sur deux conteneurs d'expédition. "Cette initiative a eu un impact important sur la qualité de vie des habitants de Funafuti et des îles périphériques, explique Darryl Ikbal Farshid, Responsable de projet CIR au Département du commerce. Sur les îles périphériques en particulier, les déchets ont un impact immédiat sur la santé humaine et l'environnement."
L'étape suivante a consisté à trouver un acheteur. Le Département du commerce a pris contact avec Marine Plastic Solutions, une entreprise australienne à vocation sociale spécialisée dans la gestion des déchets, qui a pu le mettre en relation avec un acheteur en Corée du Sud. "Ce partenariat avec Marine Plastic Solutions nous a été extrêmement bénéfique, affirme Toaiga Semisi, Administratrice adjointe chargée des questions commerciales au Département du commerce. Ils nous ont apporté une aide décisive dans la recherche du meilleur prix de marché pour nos débris de cannettes et la prise de contact avec les acheteurs."
Les deux conteneurs d'expédition chargés de débris de cannettes d'aluminium n'étaient qu'un début, d'autres conteneurs à l'export devant quitter les Tuvalu cette année. Fort du succès de cette première exportation de déchets, le Département du commerce des Tuvalu travaille maintenant avec le Département de la gestion des déchets à l'identification d'un acheteur potentiel pour des débris métalliques. L'objectif ultime des deux Départements est de faire en sorte que les exportations de déchets recyclables contribuent à la croissance économique des Tuvalu et produisent 0,1 à 0,5% des recettes publiques en 2020‑2021. Ils sont sur la bonne voie, ayant généré plus de 23 000 dollars australiens avec ce premier envoi.
Disposant désormais d'une presse à balles, l'archipel a la possibilité de broyer d'autres déchets tels que du plastique, du carton et des métaux. L'idée est avant tout de réduire et d'éliminer les effets négatifs des déchets sur la santé humaine et l'environnement pour soutenir le développement économique et améliorer la qualité de vie. Les Tuvalu vont ainsi continuer sur la voie d'une élimination des déchets respectueuse de l'environnement tout en développant leurs capacités d'exportations.
Le concept d'économie circulaire se situe également au cœur de l'approche que suit le Département du commerce dans ses importations et exportations. "Pour moi, c'est un impératif, déclare Toaiga Semisi. Il est de notre responsabilité, en tant que Département, de travailler étroitement avec des secteurs productifs comme l'agriculture, la pêche et le tourisme, mais aussi de tenir compte d'autres enjeux tels que l'environnement et la santé. Nous sommes très dépendants d'importations telles que les matériaux de construction, les équipements médicaux ou les véhicules de transport. Mais si nous tentons de promouvoir l'exportation de nos produits locaux comme le sirop de toddy ou notre artisanat, il nous faut aussi envisager les déchets comme une importante source d'exportations."
Dans tous les pays, il est de la responsabilité des Départements du commerce de garantir que ce qui entre sur le territoire national ne nuit pas à l'environnement ou à la santé des citoyens. Toutefois, des questions comme la pollution par les plastiques, les produits chimiques "éternels" et les déchets électroniques constituent une nouvelle dimension du commerce.
Aux Tuvalu, la collaboration entre le Département du commerce et celui de la gestion des déchets a permis de sensibiliser la population aux enjeux environnementaux, y compris à l'intérêt de réduire la production d'ordures et de réutiliser et recycler les déchets qui seraient dans le cas contraire destinés à la décharge. La campagne de recyclage a donné un but à la communauté et l'a encouragée à travailler à un avenir commun sans déchets. Darryl Ikbal Farshid est convaincu qu'en apprenant de manière adéquate au public à réduire la production de déchets et à réutiliser et recycler ces derniers, il est possible de limiter l'impact sur l'environnement au niveau minimal, tout en maximisant le bénéfice économique.
Les principes de l'économie circulaire gagnent de l'importance à mesure que les pays tentent de traiter leurs propres problèmes de pollution en même temps que l'enjeu plus général du changement climatique. L'idée que nous sommes tous interconnectés fait l'objet d'une prise de conscience collective – la paille en plastique de votre boisson à emporter peut se retrouver dans les narines d'une tortue dans le Pacifique Sud. Du fait de leur petite taille, les Tuvalu doivent faire face plus tôt que quiconque à ces défis, mais l'archipel prend ainsi une longueur d'avance dans cette approche novatrice de l'économie circulaire fondée sur les échanges. Tôt ou tard, tout le monde devra en faire autant car après tout, nous vivons tous sur des îles – elles sont simplement un peu plus étendues que les Tuvalu.
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