29 janvier 2018

De la chasse à la récolte: L'approche écologique de la Zambie en matière d'apiculture

by Simon Hess Michelle Kovacevic / in Récit d'expérience

Quand plus de 6 000 apiculteurs changent leurs pratiques, c'est qu'il se passe quelque chose d'important

Reconnaissant que la récolte traditionnelle du miel endommage la forêt, les communautés rurales de Zambie utilisent des pratiques apicoles modernes qui valorisent les arbres et produisent du miel de meilleure qualité. Ces initiatives, conjuguées à un certain nombre d'autres mesures commerciales, ont permis à la Zambie d'accroître ses exportations de miel de 700% au cours des cinq dernières années, passant de 163 000 à 1 316 000 euros.

"Le projet a eu un impact significatif sur le secteur de l'apiculture en Zambie. Non seulement il a permis d'accroître la productivité du secteur, mais il a également réduit la déforestation et encouragé un plus grand nombre de femmes à pratiquer l'apiculture", explique Griffin Nyirongo, responsable de projet du CIR au Ministère zambien du commerce et de l'industrie, qui collabore depuis quatre ans avec SNV Zambia et le Cadre intégré renforcé pour soutenir le développement d'un secteur du miel durable et inclusif.

L'économie zambienne a connu au cours des dernières années une croissance annuelle de plus de 6% attribuable au secteur minier et à la demande de cuivre, qui est alimentée par l'industrie mondiale de l'électronique. Dans les communautés rurales, en particulier dans le nord‑ouest de la Zambie où les industries extractives jouent un rôle de premier plan et où l'accès aux revenus est limité, l'apiculture à petite échelle peut contribuer de manière significative à la garantie des moyens d'existence.

ÉVOLUTIONS AU NIVEAU DES ARBRES

La façon traditionnelle de récolter le miel s'apparente moins à l'agriculture qu'à la chasse, dit Nyirongo.

"Il faut d'abord abattre les arbres pour faire des ruches à partir de l'écorce. Il faut ensuite grimper dans l'arbre et placer la ruche dans un endroit suffisamment haut. Lorsque le miel est prêt pour la récolte, il faut déranger la colonie et tout recueillir à la main", dit‑il.

Avec l'appui du CIR, le Ministère du commerce et l'Organisation néerlandaise de développement SNV ont entrepris de former 5 000 apiculteurs à la gestion moderne des ruches, mais ont dépassé l'objectif fixé, avec 6 580 apiculteurs.

Cela a pu se faire grâce à une approche de formation des formateurs mise en œuvre en collaboration avec le Zambia Forestry College.

"Au départ, 50 personnes ont été formées, qui ont chacune formé 10 personnes et, en un rien de temps, 500 agents de vulgarisation étaient en mesure de venir en aide aux agriculteurs au niveau local, ce qui a fait toute la différence", explique Nyirongo.

Les apiculteurs ont reçu de l'équipement apicole moderne – ruches, tenues de protection, seaux de récolte et d'entreposage et enfumoirs – et ont reçu une formation sur les techniques de récolte et de postrécolte, la gestion des ruches et les compétences entrepreneuriales. Ces pratiques ont été rapidement adoptées par les apiculteurs.

"Avec des ruches modernes, il est facile de surveiller les installations pour s'assurer qu'il n'y ait pas de fourmis rouges et autres prédateurs." – Richard Kadimba, un apiculteur de Kabompo

"Les ruches traditionnelles en écorce que j'utilisais auparavant se déformaient et se brisaient facilement. Avec les ruches modernes, il est facile de surveiller les ruches pour s'assurer qu'il n'y ait pas de fourmis rouges et autres prédateurs", explique Richard Kadimba, un apiculteur de Kabompo.

Les communautés ayant compris que les arbres étaient une source de nourriture pour les abeilles, les apiculteurs vérifient maintenant la végétation de la région et la disponibilité d'eau pour les abeilles lors de l'établissement du rucher.

"Nous savons maintenant que les abeilles peuvent être gardées dans des ruches. Auparavant, nous croyions que les abeilles ne se trouvaient que dans les forêts et qu'il fallait aller à la chasse au miel", explique un apiculteur de Machiya, un village de la province de Copperbelt, ainsi nommée en raison de ses vastes réserves de cuivre.

Les ruches modernes sont également plus faciles à surveiller, dit Nyirongo, et produisent du miel de meilleure qualité, ce qui facilite l'accès à des marchés et des prix plus rémunérateurs.

"Nous avons constaté une réduction des pertes parce qu'avec les ruches modernes, vous pouvez soulever les rayons et voir lesquels sont prêts avant de les sortir. Par conséquent, la manipulation du miel est plus facile et plus hygiénique", ajoute‑t‑il.

La formation s'est également concentrée sur l'aide aux apiculteurs ruraux pour qu'ils produisent davantage de produits à partir des ruches, comme les bougies artisanales et le vin au miel.

"Je sais où vendre mon miel. Je ne m'en sers plus pour faire de l'imbote [une boisson alcoolique locale] qui est moins rentable", dit un membre du groupe d'apiculteurs de Chisanga.

CENTRES DE RÉCOLTE

Avant le projet, les apiculteurs conservaient le miel dans n'importe quel conteneur auquel ils avaient accès et encourraient des coûts pour transporter le miel sur de longues distances à la recherche d'acheteurs.

"Les transformateurs de miel devaient parcourir de longues distances pour collecter le miel. Ils devaient se rendre dans plusieurs fermes d'apiculteurs. Non seulement cela prenait beaucoup de temps, mais cela excluait les apiculteurs ne disposant pas d'un accès pour les véhicules à moteur", explique M. Nyirongo.

La construction de 18 centres de collecte a permis d'améliorer le stockage du miel, de réduire les coûts de transaction et de contribuer de manière significative à l'amélioration de la qualité et, par conséquent, de l'accès aux marchés. Les transformateurs peuvent également s'approvisionner dans un seul endroit directement auprès des producteurs plutôt que de dépendre des négociants.

Les communautés ont aussi apporté des contributions en nature pour la construction du centre.

"Cela a favorisé une certaine forme d'appropriation et une volonté d'entretenir les installations", dit Nyirongo.

Grâce à l'amélioration de la formation et du stockage, les agriculteurs ont pu améliorer la qualité de leurs produits, accroître leur accès aux marchés et obtenir des prix plus élevés.

Laston Mwape est l'un des plus de 6 000 apiculteurs en lien avec les services de vulgarisation qui a maintenant recours aux centres de collecte pour faciliter l'accès à des marchés à plus grande valeur ajoutée. Son commerce de miel est devenu très rentable – il ramasse jusqu' à 12 seaux de 20 litres par récolte, ce qui arrive 2 fois par an de juin à août, et de nouveau de novembre à janvier.

"J'ai acheté du bétail et envoyé mes enfants à l'école", dit‑il.

La qualité du miel de Mwape s'est également considérablement améliorée depuis sa participation au projet. Les transformateurs disent que le miel acheté chez les apiculteurs formés est de meilleure qualité que celui des apiculteurs n'ayant pas bénéficié d'une formation.

Sur les 2 653 apiculteurs maintenant rattachés directement au centre de collecte, au moins 38% sont des femmes, dépassant ainsi l'objectif de 30% fixé par le projet.

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REINE DES ABEILLES

L'apiculture en Zambie est traditionnellement une occupation surtout masculine. Les apiculteurs ont eu du mal à admettre l'entrée des femmes dans le secteur pour des raisons de tradition et à cause de considérations liées à la sécurité.

"Il était généralement admis que la participation des femmes dans le secteur des produits de l'apiculture ne pouvait être améliorée que par l'utilisation de ruches modernes acceptables, situées à proximité de leurs foyers respectifs", dit Nyirongo.

L'adoption de technologies apicoles modernes a créé un environnement où les femmes sont encouragées à participer au secteur. Le projet a également délibérément ciblé des groupes et entités dirigés ou appartenant à des femmes travaillant dans le secteur. L'un de ces groupes était le Kabule Women's Beekeeping group, un groupe de 20 membres basé dans une ville du centre de la Zambie appelée Kapiri Mposhi.

Le groupe a reçu une formation et a été mis en relation avec l'entreprise Luano Honey en tant que principal acheteur, ce qui a fait passer sa production de 45 seaux de miel au début du programme à plus de 300 en 2015. L'écoulement de l'ensemble de la production a aussi pu être assuré.

"Nous espérons attirer toute la communauté." – Dorothy Mambwe, membre du groupe Kabule Women's Beekeeping

"La majorité des membres, sinon tous, ont des maris sans emploi et certaines sont des veuves qui élèvent des orphelins. Ce projet a vraiment amélioré leur niveau de vie à tous les niveaux ... grâce aux bénéfices qu'elles tirent du club, elles sont en mesure de payer les frais d'études de leurs enfants", explique Dorothy Mambwe, membre du groupe.

"Pour l'avenir, nous avons l'intention de nous lancer dans l'extraction afin de pouvoir produire du savon, des bougies et d'autres produits à base de cire d'abeille. Nous espérons attirer toute la communauté", dit‑elle.

Credits

Header image of returnees to Ethiopia in Addis Ababa amid COVID-19 - ©UNICEF Ethiopia/NahomTesfaye via Flickr Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivs 2.0 Generic (CC BY-NC-ND 2.0) license

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