En Afrique de l'Ouest, où est située la majeure partie du karité, les fruits de karité sont traditionnellement récoltés par les femmes dans les parcs alentours. Les amandes huileuses qui se trouvent à l'intérieur de ces fruits sont ensuite transformées en un beurre de karité soyeux. Tout cela implique de nombreuses étapes et processus, qui vont du travail de ramassage et de transport à l'ébouillantage, au séchage, au décorticage, au toastage et au concassage.
Il s'agit d'un travail ardu qui demande un temps considérable et qui est réalisé par des populations rurales vivant dans certains des pays les plus pauvres du monde.
À présent que le karité occupe une place importante dans les industries cosmétiques et pharmaceutique en raison de ses nombreuses substances nutritives et de ses propriétés anti‑inflammatoires, il existe des possibilités pour tenter de réorienter les bénéfices des ventes de crèmes, de pommades et de baumes vers les personnes qui en ont le plus besoin, à savoir les femmes de pays tels que le Bénin, le Burkina Faso et le Togo.
Afin que les personnes actives dans la récolte et le traitement du karité soient bien rémunérées, il est capital de tirer parti de la force de la communauté plutôt que de celle des individus. Les efforts déployés par les organismes locaux et régionaux et les partenaires internationaux pour le développement, qui mettent aussi l'accent sur le financement privé, aident les travailleurs de la filière du karité dans toute l'Afrique de l'Ouest. Ils visent notamment à aider les femmes à former des coopératives, par l'intermédiaire desquelles elles peuvent accroître leurs revenus et améliorer leurs compétences en matière de production afin que leur beurre de karité soit conforme aux normes internationales et unir leurs forces pour défendre de meilleurs prix et accéder au financement dont elles ont besoin.
"Pendant plus de 10 ans, aucune organisation n'existait. Nous avons reçu un fort soutien de la part de l'Alliance globale du karité (AGK), basée à Accra. À présent, on compte plus de 70 coopératives de femmes enregistrées et réparties dans plus de 700 villages", a dit Armand Kingbo, Coordonnateur national de l'Association karité Bénin (AKB), une organisation qui accompagne et défend les travailleurs de la filière du karité dans le pays.
L'AGK, une organisation à but non lucratif composée de membres de 36 pays, dont des acteurs du secteur privé et des organisations non gouvernementales et de la société civile, aide les petites entreprises du secteur à créer des liens avec les marchés et œuvre à promouvoir la durabilité dans l'ensemble de la filière.
Une des initiatives menées par l'AGK (qui bénéficie d'un soutien financier du Cadre intégré renforcé (CIR) (2,5 millions d'USD), de l'AGK et de l'Agence des États‑Unis pour le développement international (USAID) (850 000 USD) et du secteur privé (264 000 USD)) concerne de nombreux maillons de la chaîne de valeur du karité. Cinquante entrepôts seront construits au Bénin, au Burkina Faso, au Mali et au Togo et permettront d'entreposer des milliers de tonnes de produits du karité. Les coopératives de femmes dans la filière du karité ont grand besoin de telles installations, étant donné que les ménages ne disposent généralement d'aucun endroit pour entreposer les noix, les amandes et le beurre de karité. L'AGK estime que les femmes peuvent gagner de 30% à 50% de plus en ayant accès à un entrepôt.
"Une des difficultés vient du fait que les coopératives de productrices de karité ne contrôlent pas les fluctuations des prix", a dit M. Kingbo de l'AKB. "Le marché a fortement baissé en 2020 en raison de la COVID‑19, ce qui a posé problème aux coopératives du pays car elles ne pouvaient pas vendre leurs produits avec de meilleures offres."
"Notre objectif est d'ouvrir les acteurs béninois de la filière du karité à d'autres marchés, notamment en Asie et en Amérique du Nord. La chaîne de valeur n'utilise pas le karité de manière rentable, et si nous pénétrons de nouveaux marchés, il y aura une concurrence et les prix pourraient être multipliés par 2 ou par 4", a‑t‑il ajouté.
Les fonds affluent afin d'atténuer les problèmes engendrés par la pandémie et soutenir les chaînes de valeur. Par exemple, le West Africa Trade & Investment Hub accorde un financement de 299 000 USD à Alaffia, une entreprise basée au Togo, pour l'aider à faire face aux perturbations et aux pertes de commandes dues à la COVID‑19.
Fondé par l'USAID, le West Africa Trade & Investment Hub œuvre à stimuler le commerce en aidant les petites entreprises à tirer parti de leur investissement et de leurs capacités d'exportation. Les investissements du fonds d'octroi de dons, doté de 96 millions d'USD, sont généralement alloués à des entreprises faisant partie des chaînes d'approvisionnement agricoles, comme le riz et les noix de cajou, qui ont la capacité de générer des exportations dans la région et en dehors de celle‑ci. Le soutien accordé à Alaffia est le premier don réalisé dans la filière du karité dans le cadre des aides accordées dans le contexte de la COVID‑19 en faveur des entreprises exerçant leurs activités en Afrique de l'Ouest qui ont été touchées par la pandémie.
"En parlant avec Alaffia, nous avons pris conscience des répercussions. Nous avons constaté l'augmentation des coûts à laquelle l'entreprise devait faire face: au lieu de recourir au transport maritime, comme c'est le cas habituellement, elle a dû interrompre les expéditions de certains produits ou recourir au transport aérien, à un coût bien plus élevé. Cela a réellement causé une importante perturbation de leur chaîne d'approvisionnement ", a dit Etienne Chia‑ah, responsable des partenariats public‑privé du West Africa Trade & Investment Hub.
Les fonds garantiront un accès aux marchés à plus de 6 000 récolteurs de karité et permettront d'acquérir au moins700 tonnes métriques d'amandes de karité auprès des récolteurs et de conserver plus de 300 emplois dans les usines au Togo.
"Ce secteur revêt un intérêt pour nous en raison des retombées énormes engendrées par les exportations", a dit M. Chia‑ah, faisant référence aux possibles améliorations concernant les moyens de subsistance.
Élément essentiel des subventions du West Africa Trade & Investment Hub, les entreprises collaborent avec le secteur privé pour compléter l'aide accordée, avec de préférence un rapport de 5 à 1 avec des fonds provenant d'une participation de fonds d'investissement privés, de banques ou de fondations privées.
"Dans le cas d'Alaffia, nous espérons que, à mesure que le commerce se redresse, les ventes et les exportations que l'entreprise générera rembourseront une partie des coûts,, tels que ceux liés à l'approvisionnement en matières premières supplémentaires et à la capacité de produire davantage de beurre de karité, de savon ou d'autres produits. On peut voir que cela porte déjà ses fruits, et cet investissement du secteur privé est essentiel à nos yeux", a dit M. Chia‑ah.
Protéger les arbres à karité eux‑mêmes est aussi une considération nécessaire étant donné qu'il faut 15 à 20 ans pour qu'un arbre arrive à maturité et produise des fruits, et les chercheurs ne sont pas parvenus à cultiver le karité avec succès, bien que des expériences soient toujours en cours. Des pressions croissantes sont exercées sur cet arbre, et ce même si, contrairement à d'autres espèces qui pourraient être abattues pour faire place à l'agriculture ou être utilisées comme charbon, on laisse le karité pousser en raison de son importance pour les communautés rurales.
L'AGK a récemment lancé un fonds de restauration des parcs afin de mobiliser des ressources pour restaurer les parcs à karité; selon les estimations, environ huit millions d'arbres sont perdus chaque année en raison de leur abattage, des pressions démographiques et de l'agriculture commerciale. L'AGK espère lever 65,5 millions d'USD pour financer les coûts liés à la plantation de 10 millions d'arbres et à la protection de 4 millions d'hectares de parcs à karité.
Selon l'AGK, près de 2 milliards d'arbres à karité poussent naturellement dans des parcs dans 21 pays d'Afrique, du Sénégal au Soudan du Sud, et 16 millions de femmes récoltent les noix de karité ou exercent des activités liées à leur transformation.
Selon M. Kingbo, parmi les obstacles que rencontrent les femmes au Bénin, on peut citer les difficultés à accéder aux sites de récolte de karité, ceux‑ci se situant de plus en plus loin des villages, le manque d'équipements tels que des bassines, des gants et des appareils de contrôle de la qualité permettant de mesurer les niveaux de pH et d'humidité, et l'accès à un crédit approprié.
L'initiative de l'AGK en collaboration avec le CIR est fondée sur un modèle de partenariat qui intègre de nombreux types de financement. Elle répond à ces préoccupations, notamment en aidant à mettre en place des plans de préservation visant à ce que les sols soient fertiles et à ce que les arbres puissent s'épanouir, en fournissant les outils nécessaires et en établissant des ponts entre les coopératives et les organismes de micro‑financement.
"Le bien‑être des femmes qui font partie de ces coopératives est notre priorité. Lorsque l'on est en présence d'acheteurs professionnels, le marché négocie des prix bas sur lesquels les femmes n'ont d'autre choix que de s'aligner. Cependant, grâce aux coopératives, les femmes peuvent négocier elles‑mêmes les prix, mais elles n'arrivent pas à être en contact direct avec les exportateurs en raison de la réglementation du marché en vigueur", a dit M. Kingbo. "Lorsque le marché du karité fait face à des facteurs imprévus, ce sont cependant souvent les coopératives de femmes productrices qui en pâtissent le plus."
Les producteurs de karité ouest‑africains se heurtent à de nombreuses difficultés: ils doivent souvent composer avec des infrastructures de mauvaise qualité, ils ne comprennent pas toujours les prescriptions internationales relatives à la transformation du karité et ils ne sont pas en mesure de négocier des prix équitables.
"Les productrices de la filière du karité forment une famille, la Fédération nationale des productrices d'amandes et de beurre de karité du Bénin, et ces femmes doivent être prises en compte plus sérieusement. Nous avons besoin davantage de coopératives étant donné que toutes les personnes actives dans la récolte ne les ont pas encore rejointes. Nous avons également besoin d'investissements structurants pour établir une production mécanisée et industrialisée, des entrepôts, des sites de séchage et d'autres équipements et infrastructures", a dit M. Kingbo.
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