En marge de l'Examen global de l'Aide pour le commerce 2019, la Vice Présidente de la Gambie discute du potentiel des femmes dans le commerce
Vous avez parlé de l'importance de l'autonomisation économique des femmes. Comment le commerce peut il contribuer à améliorer la vie des femmes dans les pays les moins avancés (PMA) comme la Gambie?
Le commerce est l'une des questions catalytiques qui permettront de libérer le potentiel des PMA dans tous les domaines. Mais nous devons également tenir compte du fait que les femmes sont dans cette situation depuis très longtemps et qu'elles sont engagées sur la plupart des dossiers; et pourtant, si l'on regarde les statistiques, il semble que leurs préoccupations n'aient pas été prises en compte.
Compte tenu de la dimension du commerce en tant que processus d'autonomisation pour les PMA, je pense qu'il faut accorder toute l'importance voulue aux considérations de genre afin que la contribution des groupes vulnérables – principalement les femmes et les jeunes – puisse être mise en évidence. Les politiques et le soutien accordé doivent se concentrer sur ces groupes et avoir l'orientation stratégique qui les aidera à mobiliser leur potentiel. Et cela aura aussi pour effet de lutter contre la pauvreté en général.
J'ai le sentiment que c'est lorsqu'il y aura inclusion au niveau de tout le processus que l'Afrique et le monde entier seront capables de retrouver leur potentiel en termes d'impact souhaité, sans laisser personne derrière.
Les femmes sont une catégorie très importante pour moi parce qu'elles sont influencées par les traditions, les systèmes de croyances et les structures patriarcales qui dominent la plupart des processus qui relèguent les femmes au second rang. Et pourtant, quand on regarde la réalité dans nos pays, dans le domaine de l'agriculture par exemple, les femmes ont un rôle primordial à jouer. Elles interviennent dans de nombreux processus de production, mais lorsqu'il s'agit de postes décisionnels clés, de propriété des ressources productives ou de prise de décisions en matière d'économie domestique, elles sont des citoyennes de seconde classe. C'est à ces questions que nous devons nous attaquer.
Les femmes sont essentielles si nous voulons combler les lacunes qui existent; il est donc important d'utiliser le commerce comme levier pour libérer le potentiel existant, et ce pour les hommes et pour les femmes, surtout d'ailleurs pour les femmes, car le commerce est censé remédier à ces lacunes et problèmes, et corriger les faiblesses que nous évoquons au niveau de l'économie.
Que fait la Gambie pour relever ces défis pour les femmes?
La Gambie est tout à fait consciente des défis à relever, car si l'on considère le secteur agricole – les statistiques ventilées par sexe – le nombre de femmes qui possèdent des ressources productives est limité. Des efforts sont faits pour améliorer la situation et le Ministère de l'agriculture y réfléchit sérieusement. Le Ministère du commerce utilise le commerce comme moyen d'autonomisation et de lutte contre la pauvreté. L'accent est également mis sur les petites et moyennes entreprises dans lesquelles des femmes et des jeunes sont impliqués. C'est pourquoi la Gambie est en train d'examiner ses politiques et de les améliorer pour qu'elles tiennent compte des sexospécificités et du genre, tout en ventilant les données pour pouvoir disposer en même temps de bonnes informations et analyses. Cela éclairera le type d'interventions requises.
En Gambie, nous avons SheTrades qui a été introduit sous l'égide du Ministère du commerce. Cette initiative a beaucoup contribué à améliorer les perspectives économiques des femmes et à leur donner les moyens d'affronter le marché international. Elle forme des femmes à l'exportation, à l'ajout de valeur à la production à petite échelle ainsi qu'à l'industrie de la mode et à l'amélioration de certains des produits que les femmes vendent. J'ai constaté un grand nombre de débouchés créés par le Centre du commerce international (ITC) avec SheTrades pour les jeunes femmes chefs d'entreprise et, si cette tendance se poursuit, nous sommes certains d'en tirer profit et d'accroître le nombre de femmes dans ces activités commerciales.
C'est pourquoi la Gambie est en train d'examiner ses politiques et de les améliorer pour qu'elles tiennent compte des sexospécificités et du genre, tout en ventilant les données pour pouvoir disposer en même temps de bonnes informations et analyses.
Vice Présidente de la Gambie Isatou Touray
Ce qui est nouveau, c'est que des femmes d'affaires se sont réunies pour former la Chambre de commerce des femmes gambiennes. Nous avons la Chambre de commerce de Gambie, mais c'est un organisme général. En examinant les spécificités des femmes, nous nous sommes rendus compte qu'il y avait des lacunes et que, pour y remédier, nous avions besoin d'approches sexospécifiques; c'est ce que fait la Chambre de commerce des femmes gambiennes dirigée par l'ancienne Secrétaire permanente au Ministère du commerce lorsque j'étais Ministre. Cet organisme regroupe plus de 15 femmes chefs d'entreprise qui travaillent depuis longtemps dans le domaine des affaires et ont un bon réseau de relations et qui souhaitent ensemble améliorer la situation des femmes dans le commerce.
C'est selon moi très encourageant – cela montre qu'il y a de l'espoir que les choses changent bientôt et qu'il y a des gens qui s'engagent. Je crois qu'avec toutes les initiatives en cours et que grâce au soutien nécessaire apporté par le CIR aux institutions et au renforcement du Ministère du commerce et de l'initiative SheTrades en Gambie, nous sommes sur la bonne voie.
Nous serons un exemple édifiant pour les autres parce qu'il est essentiel que les femmes bénéficient d'une attention particulière afin qu'elles puissent passer de l'exclusion à l'inclusion et, en même temps, qu'on leur donne les moyens de façonner leur destinée économique et de pouvoir soutenir efficacement la concurrence sur le marché mondial.
Vous avez mentionné le besoin urgent de données sur les femmes et le commerce. Que voulez vous dire?
C'est très important parce que les statistiques et les données parlent d'elles mêmes. Si je vois un rapport qui montre où se situent les écarts entre les sexes, cela éclaire mon intervention dans ce domaine particulier. Par exemple, quand on sait qu'il y a près de 80% des femmes dans le secteur agricole qui produisent des cultures comme les arachides et que l'on veut encourager la valeur ajoutée, cela signifie qu'elles sont marginalisées dans ce secteur de la transformation mais occupent une place dominante dans l'agriculture. Cela va à l'encontre du sens même de l'autonomisation et de la réduction de la pauvreté si vous ne tenez pas compte de ces femmes.
Les statistiques désagrégées vous donnent une idée des lacunes à combler et vous permettent de comprendre des points que vous tenez pour acquis. Dès lors que nous avons commencé à appliquer des cadres d'analyse tenant compte du genre dans presque tous les aspects du développement, nous avons commencé à voir les changements et la façon dont ces questions sont abordées et prises en compte dans divers documents de politique et programmes de développement à travers le monde.
Notre travail est plus payant et plus efficace si l'on affecte là où il faut les ressources nécessaires à l'égalité et à l'équité entre les sexes ainsi qu'à la justice sociale.
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