28 août 2019

Six manières dont les pays les moins avancés peuvent participer à la quatrième révolution industrielle

by Ratnakar Adhikari / in Tribune libre

La quatrième révolution industrielle est imminente.

Les drones, l'intelligence artificielle, la réalité virtuelle, l'impression 3D, la robotique et la chaîne de blocs sont en train de bouleverser le monde tel que nous le connaissons. Certains pensent que les machines et les robots finiront par remplacer les humains, mettant ainsi une grande partie de la population au chômage. D'autres voient cette révolution comme une occasion formidable pour les pays les moins avancés (PMA) de faire un bond en avant dans leur développement.

Pourtant, l'analyse technologique qui prend en compte la réalité sur le terrain dresse un tableau plus nuancé: si les PMA dans le monde veulent tirer profit des possibilités offertes par la quatrième révolution industrielle, ils devront mettre en place certaines mesures pour résoudre les problèmes liés à l'accessibilité, au coût et à l'application des technologies.

Voici comment:

1. Améliorer l'accès aux technologies et aux infrastructures

Les PMA rencontrent des difficultés pour acquérir les technologies pertinentes car ces dernières sont protégées par des brevets qui sont concentrés entre les mains d'une poignée de pays. Mais il leur reste toujours les technologies à code source ouvert comme la chaîne de blocs.Le gouvernement éthiopien a récemment commencé à travailler avec la fondation suisse Cardano pour utiliser la technologie de la chaîne de blocs afin d'améliorer le commerce du principal produit d'exportation du pays: les grains de café. En utilisant la chaîne de blocs pour enregistrer, suivre et tracer les grains de café depuis les agriculteurs locaux, l'initiative vise à donner confiance aux consommateurs sur la source et la pureté du produit. Les producteurs peuvent dégager un meilleur revenu de leur travail, étant donné que les consommateurs seront prêts à payer un prix plus élevé pour le produit final.

De plus, les PMA manquent souvent des infrastructures d'électricité et d'Internet nécessaires pour pouvoir utiliser des technologies de pointe. À la fin de 2017, dans les PMA, qui représentent au total un peu plus de 1 milliard d'habitants, seules 172 millions de personnes avaient accès à Internet. Le Bhoutan est un exemple modèle: 100% de la population a accès à l'électricité car le pays est parvenu à exploiter le potentiel de l'hydroélectricité en collaborant avec sa voisine, l'Inde.

2. Rendre les technologies plus abordables

Même si les technologies sont plus accessibles, le coût de leur utilisation reste souvent prohibitif. Les monopoles et les oligopoles parmi les fournisseurs de services Internet, le coût de protection des brevets et les droits de douane élevés frappant les ordinateurs, les tablettes et les smartphones constituent les principaux obstacles. Selon l'Alliance pour un Internet à la portée de tous, 2,3 milliards de personnes vivent dans un pays où le forfait de haut débit mobile à 1 GB est inabordable pour les personnes à revenu moyen. La plupart de ces personnes vivent dans des PMA, où le coût moyen de l'accès à Internet à 1 GB correspond à 14,8% du revenu national brut (RNB) par habitant. Les utilisateurs de pays comme la République démocratique du Congo, la République centrafricaine et Haïti doivent payer presque la moitié de leur revenu mensuel.

Les prix sont beaucoup plus abordables dans certains PMA comme le Cambodge, où l'accès à Internet à 1 GB coûte moins de 2% du RNB par habitant, ce qui s'explique en grande partie par le marché intérieur de l'Internet très compétitif, encouragé par une quasi-absence de réglementation sans intérêts particuliers à protéger. Ailleurs, les prix des technologies comme les drones et l'impression 3D ont dans l'ensemble baissé considérablement au cours des dernières années, les rendant plus abordables, même pour les PMA.

3. Développer des compétences utiles pour l'avenir

Étant donné que le futur est numérique, il sera essentiel de développer des compétences utiles pour l'avenir. Il est indispensable d'investir dans les domaines de la science, des technologies, de l'ingénierie et des mathématiques, mais il ne faut pas ignorer les compétences personnelles comme la créativité, la collaboration et la gestion du temps. Toutefois, la plupart des PMA n'ont même pas les ressources nécessaires pour assurer une éducation de base; ils ne pourront donc répondre à cette nécessité qu'en faisant appel à une aide extérieure ou en sollicitant le secteur privé. La flexibilité et l'adaptabilité jouent un rôle central dans le développement des compétences adaptées à l'avenir, il faudra donc faire preuve d'une forte volonté politique pour adapter les systèmes d'enseignement rigides et inflexibles de nombreux PMA.

Au Rwanda, le Digital Opportunity Trust a lancé un vaste programme de développement des compétences numériques en collaboration avec le Forum économique mondial, afin d'employer 5 000 jeunes Rwandais pour inculquer des connaissances numériques pratiques de base à 5 millions de citoyens. Ce programme aidera non seulement les Rwandais vivant dans des zones rurales qui n'ont pas ou peu d'expérience en matière d'utilisation d'Internet, mais il aidera aussi à former les citoyens sur le plan numérique pour leur permettre d'utiliser les services d'administration en ligne et de commerce électronique.

4. Trouver des créneaux

Certaines technologies fonctionnent sur la base de l'approche classique du découpage de la chaîne de valeur. Par exemple, le fonctionnement de l'intelligence artificielle (IA) repose sur les mégadonnées. Étant donné que les données ne peuvent pas être entrées par des machines et qu'elles sont essentiellement générées à partir de documents, d'images et de fichiers audio et vidéo, des ressources humaines importantes sont nécessaires pour entrer et traiter les données. Le segment supérieur de la chaîne de l'IA, comme la génération des idées et l'application finale, se fait principalement dans les pays développés, tandis que l'autre segment, comme l'entrée, le nettoyage et le traitement des données, est effectué dans des pays où les salaires sont moins élevés. Ces activités peuvent offrir des possibilités d'emploi, principalement à la population jeune et relativement bien formée des PMA.

L'entreprise Cloud Factory, par exemple, possède des bureaux au Royaume Uni, aux États Unis, ainsi qu'au Népal, où se fait une partie de l'entrée, du contrôle de la qualité et du traitement des données pour l'IA. Dans le bureau népalais, l'entreprise offre des possibilités d'emploi à environ 2 800 jeunes âgés de 18 à 30 ans.

5. Adopter des politiques et des réglementations de facilitation et d'atténuation des risques

La quatrième révolution industrielle exige de bonnes politiques et réglementations et ne sera possible que grâce aux efforts coordonnés des différents ministères. Par exemple, la mise en place d'une politique dans le domaine de l'information et de la communication, qui impose aux fournisseurs d'Internet des obligations de service universel pour veiller à ce que même les utilisateurs "du dernier kilomètre" aient une connexion à Internet, serait facilitée par une politique commerciale visant à réduire les droits de douane pour les importations de smartphones et de tablettes et par une politique d'investissement qui supprime le plafonnement de la participation étrangère dans le domaine des services Internet.

Le Rwanda est en avance dans ce domaine, s'agissant en particulier de sa réglementation sur les drones, qui sont utilisés pour livrer des approvisionnements essentiels dans des zones inaccessibles, comme du sang dans des hôpitaux situés dans des régions isolées du pays. La réglementation autorise tous les aéronefs télépilotés à accéder à l'espace aérien sur la base d'une mission spécifique. Le gouvernement indique la norme de sécurité de la mission et l'opérateur du drone explique comment il compte la respecter. Cette réglementation volontairement souple est un moyen pour le gouvernement de suivre l'évolution rapide de la technologie des drones. Ce modèle mérite d'être répliqué dans les autres PMA.

6. Exploiter le potentiel des partenariats

Étant donné que les PMA manquent de ressources, de compétences et d'expertise dans de nombreux domaines mentionnés précédemment, ils doivent exploiter le potentiel des partenariats aux niveaux national et international. Au niveau national, les partenariats public privé peuvent être un modèle puissant pour financer le développement des infrastructures et des compétences. Dans certains cas, le renforcement des cadres nécessaires pour attirer l'investissement privé pourrait aider à mobiliser des ressources afin de répondre aux besoins de financement accrus.

Aux niveaux régional et international, les mécanismes comme l'Aide pour le commerce, la coopération Sud Sud et le soutien des organisations internationales peuvent aider à surmonter les difficultés expliquées précédemment. Des organisations comme le Cadre intégré renforcé, le Centre du commerce international, le Groupe de la Banque mondiale, l'Organisation mondiale du commerce et le Forum économique mondial peuvent apporter un soutien logiciel et matériel aux PMA.

Il n'y a pas de temps à perdre – le monde avance vers une société du savoir, et la quatrième révolution industrielle ne fait qu'accélérer le processus. Les trois précédentes révolutions industrielles sont passées largement à côté des PMA; il serait dommage que ces derniers soient exclus de la révolution en cours.

 

-------

Initialement publié le 13 août 2019 dans le cadre du Programme du Forum économique mondial.

 

Avertissement
Any views and opinions expressed on Trade for Development News are those of the author(s), and do not necessarily reflect those of EIF.