Solutions, obstacles et priorités concernant le développement de l'écotourisme, la préservation de la vie sauvage et le développement durable
La nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l'histoire humaine, indique un récent rapport de l'ONU.
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Un message essentiel qui ressort du Rapport sur l'évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques de la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) est que la nature et ses contributions aux populations se détériorent dans le monde entier. Depuis 1970, 14 catégories de contributions parmi les 18 analysées ont décliné. Plus inquiétant encore, "[e]n moyenne, 25% des espèces appartenant aux groupes d'animaux et de végétaux évalués sont menacés […], ce qui suggère qu'environ 1 million d'espèces sont déjà menacées d'extinction, beaucoup dans les décennies à venir, à moins que des mesures ne soient prises pour réduire l'intensité des facteurs à l'origine de la perte de biodiversité".
Que faire?
L'extraordinaire richesse de la biodiversité africaine est un atout pour le développement durable. Si les mesures de protection de la biodiversité et des contributions de la nature aux populations prises par les gouvernements africains ont aidé à quelque peu reconstituer des espèces menacées, en particulier dans des zones clés pour la biodiversité, le rapport d'évaluation régionale pour l'Afrique de l'IPBES juge urgent d'accélérer l'expansion des espaces protégés dans les zones présentant une biodiversité riche et un degré important d'endémisme. Plus important, "la population africaine, actuellement de 1,25 milliard de personnes, va probablement doubler d'ici à 2050, imposant ainsi une forte pression à la biodiversité du continent et aux contributions de la nature aux populations, à moins que des mesures et des stratégies adaptées soient adoptées et dûment mises en œuvre".
Huit des 36 foyers mondiaux de biodiversité se trouvent en Afrique. Ils sont décrits par le rapport de l'IPBES sur l'Afrique comme "les lieux présentant la plus grande richesse biologique au monde, et les plus menacés, qui accueillent de nombreuses espèces endémiques ou menacées". En ce qui concerne le foyer de Madagascar et des îles de l'Océan Indien, par exemple, l'article "Last chance for Madagascar's biodiversity" ("Dernière chance pour la biodiversité malgache") met en garde contre le risque imminent d'extinction d'espèces. Les auteurs estiment que la lutte contre le déclin rapide de la biodiversité malgache, en protégeant les bénéfices écosystémiques et en créant de nouveaux emplois au niveau local, aidera le nouveau gouvernement à tenir son engagement d'améliorer la situation économique et de faire sortir la population de la pauvreté.
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Le tourisme est déjà une source de revenus essentielle pour Madagascar, et les auteurs de l'article observent que le Rwanda, ainsi que d'autres pays, tirent d'importants bénéfices du tourisme lié à la biodiversité. L'article formule cinq recommandations d'actions à entreprendre en urgence, parmi lesquelles l'augmentation des investissements dans les zones protégées de Madagascar.
LEMURIENS ET AUTRES
Dans son rapport de 2013 intitulé "Lemurs of Madagascar: A Strategy for Their Conservation 2013–2016" ("Lémuriens de Madagascar: une stratégie pour leur conservation 2013‑2016"), l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) souligne l'importance que pourrait avoir l'écotourisme pour la protection de la biodiversité malgache. Elle ajoute que nombreux sont ceux qui considèrent que le "foyer de biodiversité" que représente Madagascar doit être "en tête des priorités mondiales". Malheureusement, Madagascar est aussi l'un des pays les plus lourdement touchés par la perte des habitats, et seuls 10% de la superficie de l'île constituent encore un habitat adapté aux primates.
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Plusieurs éléments clés sont nécessaires pour obtenir des résultats en matière de conservation. En premier lieu, selon l'UICN, il convient de travailler en lien étroit avec les populations locales; en second lieu, il convient de développer l'écotourisme autour des lémuriens. "Les lémuriens sont déjà la première attraction touristique de Madagascar, et le nombre de sites à visiter peut être multiplié par 10 au cours des 5 prochaines années, et probablement par 100 au cours de la prochaine décennie, si les financements nécessaires sont disponibles."
L'écotourisme autour des lémuriens pourrait permettre aux populations locales de disposer d'un revenu durable et d'améliorer leurs moyens d'existence grâce à des emplois dans les écogîtes, ou encore des emplois de guide ou de fournisseur de produits agricoles. Cela pourrait aussi constituer une source importante de devises pour le pays dans son ensemble. La stratégie de 2013 incluait 30 plans concernant des sites particuliers, dont plusieurs comprenaient des objectifs en lien avec l'écotourisme. SOS Lemur (SOS Lémuriens) et le Lemur Conservation Network (Réseau de conservation des lémuriens) ont été créés ultérieurement pour aider à coordonner le financement et la mise en œuvre des projets.
Bien entendu, le tourisme a aussi des aspects négatifs. Selon le rapport de l'IPBES, "[e]ntre 2009 et 2013, l'empreinte carbone du tourisme a augmenté de 40% pour atteindre 4,5 gigatonnes de dioxyde de carbone; dans l'ensemble, les transports et la consommation alimentaire associés au tourisme sont à l'origine de 8% des émissions totales de gaz à effet de serre […]. La demande relative au tourisme écologique, ou écotourisme, s'est également accrue, avec des effets contrastés sur la nature et les communautés locales, notamment un certain potentiel de contribution à leur conservation au niveau local, en particulier lorsque ces activités sont menées à petite échelle".
En ce qui concerne les actions à mener, l'IPBES encourage dans son rapport à "[i]ntégrer systématiquement la biodiversité à l'intérieur des secteurs et entre les secteurs (par exemple agriculture, foresterie, pêches, extraction minière, tourisme)", c'est‑à‑dire à veiller à ce que les politiques menées et les pratiques employées dans ces domaines protègent la biodiversité. Dans le rapport concernant la région Afrique figure un tableau présentant les domaines définis comme des priorités stratégiques dans l'Agenda 2063 de l'Union africaine et concernant la biodiversité et les contributions de la nature aux populations, parmi lesquels le développement et l'exploitation aussi efficace que possible de l'écotourisme.
En 2019, Mme Snyman et Mme Spenceley ont mis en lumière différents modèles du secteur privé concernant l'écotourisme dans des zones protégées en étudiant 32 cas dans 11 pays africains. Ces modèles concernaient divers acteurs, et l'ouvrage met en avant les enseignements et les meilleures pratiques permettant de tirer le meilleur parti possible de l'écotourisme aux niveaux social et économique, tout en conservant la biodiversité. A titre d'exemple de politique relative à l'écotourisme, on peut citer le plan d'action ECOTOUR 2019‑2029, qui a été adopté par les chefs d'État de la CEDEAO en juin 2019.
Alors que le continent africain est aux prises avec l'augmentation de la population, la pauvreté et le commerce illégal d'espèces sauvages, des zones écologiques importantes pourraient disparaître. Il existe toutefois des cas d'intégration réussie des questions de biodiversité dans le secteur du tourisme en Afrique, par exemple à Akagera au Rwanda et à Gorongosa au Mozambique. Les éléments essentiels sont un engagement à long terme des acteurs concernés, une bonne gestion et des financement adéquats.
Selon la Banque mondiale, le secteur de l'écotourisme n'a jusqu'à présent pratiquement pas fait l'objet d'investissements dans le cadre de partenariats public‑privé, alors même qu'il représente la plus importante source de capitaux privés permettant de financer les parcs nationaux et les autres zones protégées.
Selon le récent rapport de l'organisation de conservation Space for Giants Club et du Programme des Nations Unies pour l'environnement, "Building a Wildlife Economy" ("Construire une économie de la vie sauvage"), en 2015, on estimait à 142 millions de dollars EU par an les recettes tirées des droits d'entrée dans les zones protégées de 14 pays d'Afrique subsaharienne, le tourisme dans son ensemble représentait 8,5% de l'économie africaine et 24 millions d'emplois en dépendaient.
On estime qu'en Afrique, les dépenses de consommation annuelles liées au tourisme, à l'hébergement et aux loisirs passeront de 124 à 262 milliards de dollars EU d'ici à 2030, avec un nombre d'arrivées de touristes internationaux atteignant 134 millions.
L'observation de la faune sauvage est une part importante du tourisme pour la plupart des pays africains, représentant 80% des voyages en Afrique commercialisés tous les ans par les voyagistes ayant participé à une étude de l'Organisation mondiale du tourisme, un pourcentage qui ne cesse d'ailleurs de croître. Malgré ces bénéfices, il est urgent, selon le rapport de Space for Giants, d'"identifier des financements durables permettant de préserver les espaces naturels qui non seulement jouent un rôle moteur dans l'économie africaine, mais sont aussi essentiels aux services écosystémiques dont dépend toute vie sur Terre".
Selon la Banque mondiale, le secteur de l'écotourisme n'a jusqu'à présent pratiquement pas fait l'objet d'investissements dans le cadre de partenariats public‑privé, alors même qu'il représente la plus importante source de capitaux privés permettant de financer les parcs nationaux et les autres zones protégées. Il existe néanmoins "des exemples de pays africains ayant investi au niveau national dans le secteur de l'écotourisme au cours des deux dernières décennies, parmi lesquels l'Afrique du Sud, le Botswana, la Namibie, l'Ouganda et la Tanzanie. L'écotourisme y représente maintenant une source importante de devises et de recettes fiscales, ainsi qu'un important pourvoyeur d'emplois".
Africa's Untapped Potential for Natural Tourism (WEF) from Enhanced Integrated Framework
CONCLUSIONS ET SOLUTIONS CRÉATIVES
Les tendances négatives actuelles en ce qui concerne la biodiversité et les écosystèmes entravent les progrès vers la réalisation des Objectifs de développement durable, notamment ceux concernant la lutte contre la pauvreté et la faim, la santé, l'eau, les villes, le climat, la vie aquatique et la vie terrestre. Ainsi, si la stratégie de l'UICN pour les lémuriens a permis de lever des fonds importants pour financer des projets, elle ne semble pas encore être parvenue à développer de façon importante l'écotourisme autour des lémuriens, à prévenir leur extinction ou à générer des revenus suffisants pour les populations locales.
Pour parvenir à développer l'écotourisme, une très grande coordination entre les acteurs est nécessaire. Ainsi que le souligne le rapport "Building a Wildlife Economy", "le Rwanda doit son succès fulgurant à une planification claire, au soutien important des pouvoirs publics et à l'engagement du secteur privé".
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Une gestion durable de la croissance de l'écotourisme sera essentielle pour éviter le surtourisme, qui aurait à long terme des conséquences néfastes, et pour garantir que l'écotourisme bénéficie au maximum aux populations locales. Le plus important, toutefois, est de garder à l'esprit que, comme le relève le blog du Lemur Conservation Network: "Vous pouvez protéger les forêts, mais si vous n'offrez pas aux populations des possibilités d'autonomisation durables, […] vous n'avez pas atteint votre objectif."
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Le CIR a conscience que le tourisme est un des plus importants secteurs de croissance pour les pays les moins avancés (PMA), du fait qu'il génère un nombre important d'emplois pour les femmes et les jeunes et en raison de ses liens avec d'autres secteurs, notamment l'agriculture et les transports. En Sierra Leone, le CIR soutient un projet de développement et d'amélioration de trois sites d'écotourisme aux îles Bananas, dans la Réserve de l'île de Tiwai et dans les collines de Wara Wara. Aux Comores, il soutient l'écotourisme et les populations locales en finançant la construction de trois écogîtes dans trois régions. Au Libéria, il finance un projet visant à promouvoir le tourisme sur les marchés international, régional et national et à créer de nouvelles destinations touristiques autour du surf et d'autres activités aquatiques.
Pendant l'élaboration et la mise en œuvre des projets, le CIR aide les pays bénéficiaires à tenir compte des effets que leurs efforts de développement du tourisme peuvent avoir sur l'environnement, et notamment à réfléchir aux mesures d'atténuation qui peuvent être prises pour rendre le tourisme plus durable.
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Dale Honeck est conseiller principal à la Division du commerce des services et de l'investissement de l'Organisation mondiale du commerce. Susan Snyman est administratrice principale du programme de conservation des aires et des espèces, coordinatrice BIOPAMA (Programme pour la biodiversité et la gestion des aires protégées) à l'UICN pour la région ESARO (Afrique de l'Est et Afrique australe). Paulin Zambelongo est coordonnateur au Secrétariat exécutif du Cadre intégré renforcé de l'OMC.
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