30 septembre 2019

Libérer la valeur cachée des sous produits du coton dans les pays africains les moins avancés

by Fabrizio Meliadò Parkhi Vats Kris Terauds Matthias Knappe / in Nouvelles
  • La diversification en faveur des sous produits du coton peut générer des activités parallèles durables pour la création de revenus et d'emplois en Afrique.

  • L'huile comestible, les aliments pour animaux et le combustible pour le chauffage sont des sous produits viables du coton en Afrique.

  • Les sous produits du coton offrent des possibilités de revenus supplémentaires aux agriculteurs, si les investissements sont inclusifs.

Le coton est cultivé principalement pour sa fibre, qui constitue la matière première des textiles en coton.

Mais il y a aussi d'autres parties du cotonnier, par exemple les tiges, les coques, les graines et la soie courte qui peuvent offrir des possibilités de revenus supplémentaires aux cultivateurs de coton et transformateurs – s'ils disposent des technologies, des politiques de soutien et du savoir faire nécessaires pour en libérer la valeur.

Ces sous produits du coton représentent une occasion pour les pays de tirer des avantages supplémentaires de la production de coton, notamment:

* nouvelles sources de revenus pour les agriculteurs et les transformateurs;

* augmentation de la valeur ajoutée nationale;

* accès à de nouveaux marchés;

* amélioration de la balance commerciale grâce à l'accroissement des exportations ou au remplacement des importations; et

* réduction des déchets dans la chaîne de valeur du coton.

Les pays les moins avancés (PMA) d'Afrique qui produisent du coton peuvent concrétiser ces avantages de la manière suivante.

Plus de 3,5 millions d'agriculteurs africains dépendent des exportations de coton fibre brut, mais le coton est plus qu'une simple fibre.

Le coton est une culture de rente prédominante pour de nombreux PMA africains, fournissant un revenu à plus de 3,5 millions d'agriculteurs et à leurs familles, dont 17% de femmes.

Les pays d'Afrique subsaharienne exportent plus de 90% du coton fibre brut qu'ils produisent, pour un revenu d'environ 15,5 milliards de dollars EU en 2018, soit plus de 1,5 million de tonnes métriques de fibre.

 

Africa's share of world cotton lint exports (ICAC) from Enhanced Integrated Framework

 

Les exportations de fibre de l'Afrique sont importantes pour la subsistance de millions de personnes, mais elles soulignent également la dépendance des pays producteurs vis à vis du produit de base. Malgré de nombreux efforts pour développer la valeur ajoutée locale, les chaînes de valeur coton textile intégrées en Afrique sont actuellement peu actives ou absentes. Ainsi, sur les 1 272 millions de tonnes métriques de coton fibre produites en Afrique francophone en 2018, seulement 19 000 tonnes, soit 1,5%, ont été consommées (c'est à dire transformées) localement.

Compte tenu de la difficulté persistante à relancer les industries du textile et du vêtement en Afrique, les sous produits du coton représentent des sources potentielles de revenus supplémentaires qui peuvent améliorer la résilience.

Les sous produits du coton peuvent être divisés en deux grandes catégories: ceux qui proviennent des résidus de l'égrenage et de l'extraction de l'huile tels que les bourres, les coques, l'huile et les tourteaux; et ceux qui proviennent des tiges des plantes, tels que les briquettes, granulés, champignons et panneaux de particules.

Transformation locale de l'huile et des tourteaux de coton en Afrique

Lors d'un atelier tenu en juin 2019, le Comité consultatif international du coton (CCIC) a estimé que "les sous produits du coton ont des débouchés croissants et sont potentiellement une source complémentaire importante de revenus pour le secteur du coton en Afrique".

L'égrenage du coton donne environ 55% de graines et 40% de fibres. Le broyage et le traitement des graines de coton permettent d'obtenir une huile comestible. L'huile de coton est le sous produit du coton le plus précieux en termes de rapport prix/poids, d'où son intérêt commercial et son potentiel de revenu élevé. L'huile de coton représente environ 5,2% de la production mondiale d'huile comestible.

 

Global edible oil production (ICAC) from Enhanced Integrated Framework

 

Durant l'atelier de 2019, le Centre du commerce international (ITC) a déclaré que "les sous produits des fibres, graines et autres produits dérivés du coton sont sous utilisés, voire négligés, en Afrique, malgré leurs nombreux et divers usages potentiels".

En effet, l'Afrique produit environ 2,5 millions de tonnes de graines de coton, soit 5,8% de la production mondiale. Seulement 75% des graines sont broyées pour en extraire de l'huile et des tourteaux, ce qui signifie que 25% des graines de coton produites en Afrique ne sont pas utilisées. La valeur estimée de ces graines inutilisées est d'environ 237 millions d'USD, pour une bonne partie en Afrique occidentale. Le Mali fait exception dans la région en transformant la totalité de ses graines de coton, comme le montre le graphique ci dessous, présenté par le CCIC lors d'un atelier sur les sous produits du coton organisé en juin 2019 par l'Organisation mondiale du commerce (OMC). 

 

Value of oil, meal and unused cotton seed in Africa from Enhanced Integrated Framework

 

En conséquence, la transformation d'une plus grande proportion de graines de coton en huile pourrait générer des revenus supplémentaires, remplacer l'huile comestible importée et accroître la sécurité alimentaire.

Utiliser les tiges pour augmenter les revenus des agriculteurs, réduire les déchets et conserver les forêts

En Afrique, après avoir récolté le coton graine, les agriculteurs déracinent et détruisent les tiges et les feuilles restantes, souvent en les brûlant, pour se conformer aux règlements phytosanitaires. Les tiges représentent 80% ou plus de la masse totale du cotonnier, qui est presque entièrement gaspillée en Afrique. Dans d'autres pays, comme l'Inde, les tiges de coton sont compressées en granulés ou briquettes qui servent à remplacer les combustibles solides moins propres comme le charbon de bois, le bois de chauffage ou le charbon. Les tiges ont également d'autres utilisations agricoles, notamment comme engrais ou substrat de culture pour les champignons.

Les agriculteurs peuvent tirer directement profit de l'utilisation des tiges qu'ils brûleraient autrement dans leurs champs, soit en les vendant à un transformateur, soit en se livrant eux mêmes à une transformation à petite échelle.

Outre le fait qu'elles appartiennent aux agriculteurs, les tiges ont l'avantage supplémentaire d'être relativement abondantes. Le graphique suivant, présenté par des experts du Bénin, du Burkina Faso, du Tchad et du Mali (pays désignés sous le nom de "Coton-4") à l'atelier de juin 2019 sur les sous produits du coton, illustre l'offre potentielle en matières premières des sous produits du coton, surtout les tiges.

 

 

Cotton by-products from Enhanced Integrated Framework

 

Les tiges de coton ont des propriétés intéressantes en tant que combustible, avec un pouvoir calorifique élevé et une faible teneur en cendres. Solidifiées en briquettes ou en granulés, les tiges, qui ne produisent pas de fumées, peuvent remplacer les combustibles solides plus polluants. Une évaluation de la CNUCED en Zambie a estimé qu'une opération de transformation en briquettes ou en granulés de la biomasse – utilisant des tiges de coton et d'autres produits issus de la biomasses agricoles – pourrait concurrencer le charbon sur le plan des prix, créer de l'emploi et permettre de verser 25 dollars EU par tonne pour les tiges aux agriculteurs.

 

Example of prospective gains related to cotton by-products from Enhanced Integrated Framework

 

L'argument environnemental en faveur des briquettes et des granulés issus de la biomasse est également convaincant. La Tanzanie, par exemple, consomme environ un million de tonnes métriques de charbon de bois par an, dont la moitié à Dar es Salaam. Parallèlement, la récolte de coton du pays représente environ 500 000 tonnes métriques de tiges par an, qui sont pour la majeure partie brûlées dans les champs. Si une partie de ces tiges était utilisée pour produire des briquettes sans fumée, elle pourrait remplacer une part importante du charbon de bois consommé en Tanzanie, ce qui représenterait une diminution considérable de la déforestation, de la pollution atmosphérique et des problèmes sanitaires liés à la fumée, selon la CNUCED.

Conclusion et défis pour l'avenir: réaliser que ce potentiel exige de gros efforts de mobilisation des investissements

L'expérience d'autres pays, ainsi que les témoignages d'entreprises prospères du secteur des sous produits du coton, donnent à penser que des résultats peuvent être obtenus en Afrique.

La diversification en faveur des sous produits du coton peut avoir des retombées socioéconomiques positives. Elle peut générer des activités parallèles de création de revenus et d'emplois pour les agriculteurs, en particulier en leur donnant les moyens d'ajouter de la valeur aux tiges qu'ils brûlent actuellement.

"L'Afrique de l'Ouest peut générer 123 millions d'USD supplémentaires en transformant les tiges de coton en granulés. L'élimination du gossypol des tourteaux (technologie microbienne indienne) se traduit par un revenu net (bénéfice) de 33 USD par tonne de tourteaux, soit 78 millions d'USD supplémentaires pour l'Afrique", selon le CCIC.

 

 

Potential for West Africa in cotton stalks (ICAC) from Enhanced Integrated Framework

 

Le développement de la transformation locale peut accroître la valeur ajoutée, créer des emplois et réduire les déchets. Des politiques sont nécessaires pour s'assurer que les agriculteurs en bénéficient, soit en participant directement à la valeur ajoutée des tiges, soit indirectement par le biais des prix à la production du coton graine. Des revenus supplémentaires protégeraient les agriculteurs des fluctuations des prix internationaux du coton fibre, les encourageraient à cultiver davantage de coton et aideraient ainsi à relever le défi des matières premières auquel sont confrontées de nombreuses entreprises de transformation à valeur ajoutée en Afrique.

Des activités liées au renforcement des capacités, à la commercialisation des produits et à l'établissement de stratégies claires de développement des produits sont requises pour mobiliser les investissements, transférer les technologies nécessaires et réaliser le potentiel des sous produits du coton en Afrique.

 

 

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Un nouveau projet mis en œuvre conjointement par l'OMC, la CNUCED et l'ITC, avec l'appui du CIR, se concentrera sur huit PMA africains qui produisent du coton et ciblera leur utilisation des sous‑produits du coton.

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Fabrizio Meliado est chargé de projet à la Division de l'agriculture et des produits de base, OMC. Parkhi Vats est stagiaire à la Division de l'agriculture et des produits de base, OMC. Kris Terauds est économiste à l'Unité des produits de base, CNUCED. Matthias Knappe est chef de programme, Fibres, textiles et vêtements, à l'ITC.

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