Le Myanmar déployait déjà des efforts pour aider ses entreprises à développer leur présence en ligne. La pandémie de COVID‑19 a été l'occasion d'accélérer les choses.
Nous sommes en 2020 et les services de livraison de produits alimentaires commandés en ligne sont en plein essor. Que l'on se trouve à Jakarta, New York ou Londres et que les livraisons s'effectuent à moto, en camionnette ou à vélo, ce secteur du commerce électronique est indéniablement en mutation.
À Yangon, où les citoyens ne disposent d'un accès à Internet abordable et fiable que depuis quelques années, les entreprises se bousculent désormais dans ce secteur et rivalisent pour obtenir les kyats dépensés en commandes de nouilles fraîches, de produits alimentaires, de biens d'équipement ménager et d'autres produits.
"Ce phénomène est manifeste. Ma famille réalise des achats en ligne tous les jours, et j'essaye de faire mes courses alimentaires sur Internet. Le commerce électronique augmente de façon spectaculaire depuis cinq ou six mois. Lorsque l'on circule en voiture dans Yangon, on voit énormément de livreurs de produits alimentaires et de colis. Il y en a partout", déclare Su Thet Hninn.
Mais Su n'est pas seulement une consommatrice, elle travaille également au Département du commerce du Myanmar en tant que directrice adjointe et responsable des questions de commerce électronique.
Le pays s'efforçait déjà de soutenir l'évolution du commerce électronique et, lorsque la pandémie de COVID‑19 s'est déclarée, entraînant des mesures de confinement qui ont contraint les gens à rester chez eux, les acteurs du commerce du Myanmar comme Su et ses collègues du Ministère du commerce ont modifié leur stratégie.
"À partir du mois de mars de cette année, presque toutes les activités liées à nos projets ont été interrompues pour deux mois, mais à la fin du mois d'avril nous nous sommes adaptés et avons lancé des activités en ligne, comme des Webinaires sur les moyens d'atténuer les conséquences de la COVID‑19. Nous avons modifié certaines activités et tenté de nous adapter à la situation. Nous avons mis au point un Plan de relance économique pour l'après COVID‑19, lancé par le gouvernement en mai et comprenant cinq plans d'action spécifiques pour le commerce électronique, et nous avons commencé à travailler avec les commerçants pour les aider à passer du commerce hors ligne au commerce en ligne", indique Su.
À vos marques …
Les efforts entrepris par le Myanmar dans ce secteur ont débuté en 2018 avec la conduite de l'évaluation rapide de l'état de préparation au commerce électronique. Cette étude, établie par la CNUCED avec l'appui du gouvernement suédois, et lancée dans tout le pays avec le soutien du Cadre intégré renforcé (CIR), examine ouvertement la situation d'un pays dans ce domaine, ainsi que les possibilités dont il dispose et les obstacles qu'il rencontre.
"Le secteur du commerce électronique au Myanmar a connu de nombreuses évolutions, qui concernent aussi bien les politiques que la réglementation, mais aussi le développement des entreprises. Je pense que cela est étroitement lié à l'évaluation de l'état de préparation au commerce électronique: l'intérêt de cette étude est qu'elle analyse dans un seul document différents domaines d'action, et permet au pays d'effectuer des comparaisons avec les autres pays ayant fait l'objet de la même évaluation", indique Sven Callebaut, conseiller en politique commerciale numérique auprès du Département du commerce et auteur de l'étude.
"Le Ministère du commerce souhaitait vraiment prendre la tête des efforts dans ce domaine et ce n'est pas chose facile, car plusieurs ministères sont impliqués. Les fonctionnaires du Ministère ont suivi une stratégie de niche et trouvé au sein du Département du commerce des personnes qui étaient intéressées par le sujet et savaient que ces travaux auraient un profond impact sur la situation du secteur trois ans plus tard", explique M. Callebaut.
Avec une population de 54 millions d'habitants, dont 22 millions utilisent Internet, et un nombre d'utilisateurs d'Internet qui augmente de 6,6% par an, le pays a désormais véritablement engagé sa transformation numérique, et l'on observe en parallèle une augmentation de la demande de services en ligne.
Prêts …
Une fois les recommandations de l'étude mises en place, le Département du commerce a travaillé avec les ministères, le secteur privé, les institutions des Nations Unies et les partenaires de développement, à différents niveaux et en adoptant des approches diverses. Le Département est en train d'établir des lignes directrices sur le commerce électronique à l'intention des opérateurs du secteur; une stratégie en matière de commerce électronique, financée par le CIR et élaborée à l'issue de discussions avec plus de 400 interlocuteurs, doit être publiée en décembre. Enfin, une loi sur le commerce électronique est en cours de rédaction, en coopération avec le Ministère des transports et des communications.
"Aujourd'hui, au bout de deux ans, les progrès accomplis sont immenses, et la confiance du secteur privé et du grand public augmente", indique Su.
De la banque en ligne au covoiturage en passant par les places de marché, des entreprises de tout l'écosystème du commerce électronique se sont rapidement développées au Myanmar. Et les représentants de ces entreprises ont été invités à expliquer aux fonctionnaires gouvernementaux le fonctionnement effectif du commerce électronique.
Su raconte: "Des entreprises de livraison de produits alimentaires commandés en ligne, des fournisseurs de services de paiement pour le commerce électronique et d'autres acteurs sont venus expliquer comment ils travaillaient. Même si nous sommes un organisme de réglementation, il nous était difficile d'avoir une vue d'ensemble de ces transactions commerciales électroniques, c'est pourquoi nous avons organisé une formation spécifique à l'intention des responsables de la réglementation".
Récemment, une formation de sept semaines a aussi été organisée pour les fonctionnaires gouvernementaux, durant laquelle des acteurs du secteur et des professionnels ont présenté en détail les différentes composantes de l'industrie.
Cette formation, financée par le Département australien des affaires étrangères et du commerce (DFAT) et mise en œuvre par l'Institut de recherche économique pour l'ASEAN et l'Asie de l'Est (ERIA), s'adressait à 11 départements différents du gouvernement et 25 "étudiants" en commerce électronique ont suivi le cours, qui était divisé en 3 grandes thématiques.
"Le commerce électronique étant différent du commerce traditionnel, nous avons commencé par une introduction expliquant les concepts de commerce interentreprises (B2B), de place de marché et de paiements numériques. Le deuxième module était consacré au cadre juridique et réglementaire du commerce électronique et à la façon dont il peut être modifié pour garantir un développement durable du secteur – des questions comme la protection des consommateurs, les droits de propriété intellectuelle en ligne, la cybercriminalité et la localisation des serveurs ont donc été abordées. Enfin, le troisième module portait sur les activités des organisations internationales et régionales, et nous avons donc étudié des éléments liés aux négociations, à l'appui des partenaires de développement, à la taxation des services numériques", indique M. Callebaut, qui a dirigé la formation.
… Partez!
Grâce aux travaux de recherche menés ainsi qu'aux connaissances et outils acquis, le pays a pu opérer des changements rapides pour aider les entreprises à développer leur présence en ligne lorsque la pandémie a éclaté.
"En mai 2020, nous avons commencé à élaborer, avec TradeWorthy, une entreprise liée au DFAT, des guides de bonnes pratiques pour aider les entreprises à opérer la transition du commerce hors ligne au commerce en ligne pendant la pandémie, et nous travaillons à présent sur les systèmes d'enregistrement du commerce électronique. Nous n'avons pas de système de ce type pour l'instant et les entreprises doivent manier différentes licences. Et à l'avenir, nous voulons encourager les jeunes entreprises; il nous faut donc mettre en place le système d'enregistrement, et les entreprises le souhaitent", indique Su.
Les guides de bonnes pratiques ont été établis en consultation avec 10 des principaux acteurs du secteur au Myanmar, et portent sur les biens de consommation, les services de restauration, les courses alimentaires, les transports et les voyages.
"Les guides décrivent les actions à mener, comme la conduite des inventaires, les logiciels à posséder et les moyens de faire face à la pandémie; ils contiennent donc des bonnes pratiques sur la livraison sans contact, les paiements numériques, etc. Ils répondent à toutes sortes de questions que se posent les gens qui souhaitent développer leur activité en ligne et ne savent pas comment s'y prendre", explique Su.
Depuis le début de la pandémie, le secteur du numérique prospère au Myanmar, qu'il s'agisse de la demande de services à large bande à domicile – un domaine dans lequel les téléphones mobiles ont ouvert la voie –, ou des services de livraison.
Outre le fait de continuer à aider les petites entreprises à mener la transition numérique et de soutenir les cadres stratégiques plus larges, quelles sont les actions prévues pour l'avenir?
"Le prochain défi à relever est celui du commerce électronique transfrontières, et pour les entreprises il s'agit d'identifier les possibilités existantes en dehors du pays, ce qui permet de diversifier l'économie. Comment s'assurer que les marchandises et, un jour, les services – nous l'espérons – peuvent être vendus à l'étranger? Un très grand nombre de ressortissants du Myanmar vivent en Thaïlande et à Singapour, et ils souhaitent avoir accès à des produits de leur pays d'origine; comment les leur fournir?" s'interroge M. Callebaut.
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