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Malgré des progrès louables dans la mise en œuvre du Programme d'action d'Istanbul (PAI) pour les pays les moins avancés (PMA), les vulnérabilités structurelles des PMA persistent et il convient de s'en préoccuper sans tarder. De nombreux PMA disposent de capacités de production limitées, dépendent fortement de l'exportation d'un nombre restreint de produits primaires et sont confrontés à des niveaux d'endettement élevés et insoutenables. Les problèmes urgents liés au changement climatique et aux crises sanitaire et économique provoquées par la pandémie de COVID‑19 exacerbent ces vulnérabilités.
La COVID‑19 menace de freiner, voire même d'anéantir les avancées déjà réalisées par les PMA en matière de transformation économique et d'étouffer les perspectives des pays cherchant à sortir de la catégorie des PMA. La récession économique mondiale et les pertes d'emploi qui en résultent sont susceptibles de faire basculer de nombreux travailleurs dans des emplois moins productifs ou dans le secteur informel. Cela pourrait entraîner une réaffectation durable des ressources vers les secteurs primaires à faible productivité et les activités à faible valeur ajoutée. Les femmes et les jeunes, les travailleurs peu qualifiés et les populations rurales seront touchés de manière disproportionnée, ce qui aura des répercussions sur les avancées vers une transformation économique inclusive.
Il est nécessaire d'agir rapidement pour remédier à ces vulnérabilités. Voici pourquoi et comment.
Les PMA disposent de capacités de production limitées
Les activités économiques des PMA sont trop peu diversifiées et elles sont pour l'essentiel concentrées dans la production primaire à faible valeur ajoutée ou les services à faible productivité. Les progrès réalisés par ces pays pour renforcer les capacités de production et parvenir à une transformation économique structurelle sont modestes.
Le tableau 1 présente la valeur et le classement associés à chaque PMA selon l'indice de complexité économique (ICE). Les pays affichant les valeurs d'ICE les plus élevées disposent de capacités de production plus élaborées et plus spécialisées, et ils peuvent produire une gamme très diversifiée de produits complexes destinés à l'exportation. Six PMA figurent parmi les 10 pays enregistrant les plus faibles niveaux de complexité économique. Tous les PMA représentés dans le tableau affichent des valeurs d'ICE inférieures à la moyenne mondiale.
Les PMA dépendent fortement de l'exportation d'un nombre restreint de produits primaires
En 2019, la part des produits primaires dans les exportations totales de marchandises dépassait 80% dans plus de la moitié (soit 28 pays) des 47 PMA (voir le graphique 1), et elle était supérieure à 90% dans 18 d'entre eux, parmi lesquels figuraient 5 PMA du Commonwealth (Gambie, Îles Salomon, Kiribati, Mozambique et Rwanda). Les produits primaires représentent moins de la moitié des exportations totales de marchandises dans seulement sept PMA (Bangladesh, Bhoutan, Cambodge, Haïti, Lesotho, Népal et République centrafricaine). Au Bangladesh, ces produits représentent uniquement 4,8% des exportations de marchandises, signe d'un degré de diversification bien plus élevé. En moyenne, la part des produits primaires dans les exportations totales de marchandises de l'ensemble des 14 PMA du Commonwealth s'élève à 77,3% (contre 75,8% pour les PMA non membres du Commonwealth).
En 2018, les PMA ont contribué pour moins de 1% aux exportations mondiales de marchandises. Leur participation au commerce mondial des services est également faible et elle est uniquement axée sur quelques secteurs, ce qui est révélateur d'une tendance générale à la marginalisation dans le commerce mondial.
La transformation économique des PMA par l'intermédiaire de la réduction de la production primaire à faible valeur ajoutée et d'une plus grande participation au commerce mondial est paralysée par une croissance insuffisante de la productivité, bien que les écarts soient considérables au sein du groupe des PMA (voir le graphique 2). La croissance moyenne de la productivité entre 2010 et 2019 était inférieure à la moyenne mondiale (de 2,5%) dans 27 PMA, et elle était négative en Angola, au Burundi, aux Comores, en Haïti, en République centrafricaine, en Somalie, au Soudan du Sud, au Timor‑Leste, au Vanuatu et au Yémen.
Certains PMA s'en sont mieux sortis. Au cours de la dernière décennie, la croissance de la productivité de la main‑d'œuvre a dépassé la moyenne mondiale dans 18 PMA et son taux était relativement élevé au Myanmar (6,6%), en Éthiopie (5,8%), au Cambodge (5%), en RDP lao (4,9%), au Rwanda et au Bangladesh (4,5% chacun). Les PMA du Commonwealth ont enregistré de meilleurs résultats que les PMA n'appartenant pas au Commonwealth et les pays n'entrant pas dans la catégorie des PMA (voir le graphique 3) – la productivité de la main‑d'œuvre a augmenté de 2,1% en moyenne dans les PMA du Commonwealth, contre 1,9% dans les PMA non membres du Commonwealth et 1,5% dans les pays autres que les PMA. Cependant, la croissance de la productivité des pays autres que les PMA a pour l'instant été légèrement supérieure à celle des PMA du Commonwealth en 2020 (1,8% contre 1,7%).
De nombreux PMA sont confrontés à des niveaux d'endettement élevés et insoutenables
Les niveaux de dette extérieure des pays en développement n'ont jamais été aussi élevés et ils sont en augmentation en raison de la COVID‑19. Le Fonds monétaire international (FMI) a estimé que 14 PMA étaient exposés à un risque élevé de surendettement, y compris 6 membres du Commonwealth: la Gambie, Kiribati, le Mozambique, la Sierra Leone, les Tuvalu et la Zambie.
Même avant l'apparition de la COVID‑19, l'encours de la dette extérieure était très élevé dans plusieurs PMA, et en 2019, il était supérieur à 100% du revenu national brut (RNB) au Mozambique, au Soudan et en Zambie (voir le graphique 4). Lorsqu'on considère collectivement les PMA du Commonwealth au cours de la dernière décennie, le ratio de la dette extérieure totale au RNB a en moyenne fortement augmenté (voir le graphique 5).
Lutter contre les vulnérabilités des PMA
Alors que les experts et les responsables politiques réfléchissent à la cinquième conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés qui se tiendra en 2022, l'attention doit être portée sur la façon de remédier aux quatre vulnérabilités principales des PMA.
Premièrement, les PMA doivent développer leurs capacités de production dans des secteurs à plus forte productivité et réaffecter les ressources des activités à faible valeur ajoutée vers des activités où cette valeur est plus élevée, au sein des secteurs et entre eux. Cette transformation économique structurelle est primordiale pour le développement durable et la réduction de la pauvreté, et elle est essentielle à une plus grande résilience.
Deuxièmement, la fracture numérique au sein des PMA et entre les PMA et les autres pays doit disparaître. Pour ce faire, il est nécessaire de renforcer les compétences numériques, de promouvoir la connectivité numérique, d'investir dans les infrastructures numériques et de garantir l'accès aux technologies numériques. Il est possible d'y parvenir en instaurant une coordination entre les secteurs public et privé des PMA, appuyée par une coopération numérique multipartite associant les organisations de la société civile, les partenaires de développement et les institutions internationales.
Troisièmement, les gouvernements doivent résister au protectionnisme et maintenir leurs engagements en faveur d'un commerce ouvert, transparent, inclusif et fondé sur des règles afin de favoriser la participation des PMA. Le système commercial multilatéral doit tenir compte des impératifs particuliers des PMA et des petites économies vulnérables.
Enfin, il reste beaucoup à faire pour renforcer la viabilité du niveau d'endettement et réduire les risques, ainsi que pour encourager et améliorer l'accès au financement des PMA. En ce sens, il faudra trouver des solutions audacieuses et systémiques à l'allègement de la dette, sous les auspices du G‑20, du Club de Paris, de la Banque mondiale et du FMI, ainsi que des mécanismes de financement novateurs et accessibles – y compris en matière de financement mixte et de financement de l'action climatique – fournis par les pouvoirs publics, les sociétés privées et les banques de développement nationales, régionales ou multilatérales.
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L'auteur a vivement apprécié les excellentes observations et suggestions présentées par M. Salamat Ali au sujet des premières ébauches de cet article.
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Neil Balchin est conseiller économique au Secrétariat du Commonwealth.
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