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La transformation économique est revenue à l'ordre du jour du développement international par suite de la Grande Récession.
La crise financière de 2008 a révélé les limites des approches fondées sur le marché libre et a mis en évidence le rôle clé que les États devaient jouer dans la régulation des forces du marché. Cette ambition renouvelée d'élever les niveaux de productivité économique ressort aussi du Programme de développement durable à l'horizon 2030, dans lequel l'Objectif de développement durable (ODD) 8 appelle à la croissance économique et l'ODD 9 à une industrialisation inclusive et durable. Les pays les moins avancés (PMA) ont une capacité de production concurrentielle limitée dans tous les secteurs économiques, comme cela a été souligné dans le Programme d'action d'Istanbul de 2011, entre autres.
La production et les échanges d'un PMA façonnent plus que sa croissance économique. Ils influent aussi sur sa capacité de créer des emplois, de redistribuer les revenus à la population et de rattraper son retard sur les économies plus avancées. Ainsi, la structure de production d'un pays influe sur sa trajectoire de développement durable.
À l'heure actuelle, la transformation des PMA est entravée par une production concentrée dans un petit nombre d'activités économiques à faible valeur ajoutée, des exportations vers un nombre relativement restreint de pays, des institutions faibles, des infrastructures déficientes et le faible niveau des investissements du secteur privé. En outre, les PMA ont tendance à souffrir davantage de l'exposition aux catastrophes naturelles et des effets du changement climatique.
Parmi les 47 PMA, les 38 qui ont participé à l'exercice 2019 de suivi et d'évaluation de l'Aide pour le commerce, mené conjointement par l'OCDE et l'OMC, ont tous donné la priorité à la transformation de leur économie. Les politiques sont axées sur la création d'incitations propices à la diversification économique et à la transformation structurelle. Les principaux obstacles identifiés sont: une capacité industrielle ou de fabrication limitée, des infrastructures réseau et de transport insuffisantes et un accès restreint au financement. Les donateurs ont également souligné que le manque de compétences entravait la transformation économique des PMA.
Malgré quelques points communs d'ordre général, les PMA englobent divers groupes de pays: des pays sans littoral (comme l'Ouganda et le Bhoutan), de petites îles en développement (comme le Vanuatu et le Timor‑Leste), des économies riches en ressources naturelles (comme l'Angola et la Guinée) et des pays qui se sont lancés dans des activités manufacturières axées sur l'exportation et porteuses d'emplois (comme l'Éthiopie et le Bangladesh). La bonne nouvelle est donc qu'il est possible de transformer la production.
Remédier aux principales contraintes sur les plans institutionnel, des ressources humaines et des infrastructures matérielles et immatérielles permettra de passer de schémas de spécialisation à faible valeur ajoutée à des schémas à plus forte valeur ajoutée. Bien qu'il n'y ait pas de panacée, il est essentiel de permettre un processus d'"autodécouverte" pour identifier les possibilités futures concernant des produits et services nouveaux ou plus sophistiqués.
Comment un processus d'"autodécouverte" peut il permettre d'identifier les possibilités futures?
Il est crucial d'évaluer les atouts et les moyens d'action existants, mais il est tout aussi important d'engager un processus axé sur l'élaboration de stratégies et la recherche de consensus entre les différents segments de la société. L'élaboration d'une stratégie nationale au moyen d'un processus participatif contribue à développer des aspirations communes dans le pays.
Une stratégie nationale de développement fructueuse comporte une vision pour l'avenir et prévoit des actions ciblées, des crédits budgétaires pour la concrétisation de cette vision et une approche fondée sur le suivi et l'évaluation afin de mesurer les résultats et de fournir des informations en retour. Des exemples de réussite montrent qu'une combinaison de cinq moyens d'action a joué un rôle crucial dans le processus de transformation et de modernisation de la production (voir la figure 1).
Figure 1: Les cinq facteurs d'une transformation et d'une modernisation réussies
Source: OCDE, Examens des politiques de transformation de la production (2017)
Le Programme d'action d'Istanbul, le Programme d'action d'Addis-Abeba et les ODD préconisent le recours à l'Aide pour le commerce, y compris par l'intermédiaire du Cadre intégré renforcé, pour soutenir les ambitions des PMA en matière de transformation de la production.
En 2018, les engagements des donateurs pour soutenir les projets et programmes liés au commerce dans les PMA s'élevaient à 21 milliards de dollars EU. Ce montant représente 76% du financement total du développement lié au commerce en faveur des PMA. Le reste prend la forme d'autres apports du secteur public assortis de conditions libérales (6 milliards de dollars EU) et de financements privés mobilisés grâce à des interventions officielles (0,5 milliard de dollars EU). Les engagements au titre de l'Aide pour le commerce en faveur des PMA ont augmenté de 11,4% par an en moyenne depuis le lancement de l'Initiative Aide pour le commerce en 2006, tandis que les décaissements par habitant ont plus que doublé pour atteindre 13 dollars EU en 2018. Cela représente deux fois le montant enregistré pour l'ensemble des pays en développement. La part de l'Aide pour le commerce destinée au renforcement des capacités de production est plus importante dans les PMA (42,4%) que dans les autres pays en développement (25,5%), dans lesquels cette aide est principalement destinée aux infrastructures (voir la figure 2).
Figure 2: Financement du développement lié au commerce en faveur des PMA en 2018, en milliards de dollars EU (engagements sous forme d'aide publique au développement (APD), d'autres apports du secteur public (AASP) et de financements privés mobilisés grâce à des interventions officielles)
L'aide à l'ajustement lié au commerce a été modeste et les engagements ne se sont élevés qu'à 13,7 millions de dollars EU depuis 2007. Bien qu'il n'existe pas de code sectoriel pour la diversification économique dans le Système de notification des pays créanciers du CAD, une recherche par mot clé montre que les activités couvrant les questions de diversification économique dans les PMA ont elles aussi représenté seulement 108 millions de dollars EU au total entre 2006 et 2018.
Nécessité d'accroître l'Aide pour le commerce et les financements privés
L'Aide pour le commerce contribue à la transformation économique lorsqu'elle soutient les gouvernements des PMA qui fondent leurs stratégies de développement sur leurs avantages comparatifs. Des études montrent que, lorsque la communauté des donateurs aligne son aide sur ces types de priorités, une transformation économique se produit. Toutefois, même lorsque la transformation structurelle est une priorité pour les gouvernements déterminés à promouvoir le développement durable, l'Aide pour le commerce à elle seule ne suffit pas à financer l'intégralité de ces efforts.
En outre, les financements privés destinés aux PMA sont trop faibles. Le financement mixte ‑ lorsqu'il est approprié et utilisé judicieusement – pourrait être une autre solution. Toutefois, pour que le financement mixte bénéficie aux PMA, il doit être aligné sur les priorités nationales énoncées dans les stratégies de financement plus larges découlant des ODD.
Plus important encore, l'utilisation croissante du financement mixte ne devrait pas entraîner une diminution du financement du développement accordé à des conditions libérales. Les gouvernements des PMA doivent être vigilants face aux risques associés aux différentes modalités de financement, y compris s'agissant du niveau d'endettement soutenable. Cela requiert des fournisseurs de financement officiels qu'ils accordent leur financement selon des modalités et à des conditions appropriées.
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Aussama Bejraoui, Elisabeth Lambrecht et Frans Lammersen travaillent sur les questions liées au développement à l'OCDE. Les vues exprimées ne représentent pas celles de l'Organisation.
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