14 mars 2018

Faire en sorte que l'aide pour le commerce profite aux femmes

by Anoush der Boghossian / in Tribune libre

Diverses études soulignent les avantages d'un modèle économique plus inclusif

Publié initialement sur International Trade Forum

Remontons 12 ans en arrière, quand l'Équipe spéciale chargée de l'Aide pour le commerce a été créée. La question du genre était inscrite dans les principes directeurs de cette initiative: "L'Aide pour le commerce devrait être fournie de façon cohérente en tenant pleinement compte […] des considérations de genre. Les donateurs et les pays partenaires s'engagent conjointement à harmoniser leurs efforts à l'égard de domaines transversaux, tels que l'égalité entre les sexes".

Revenons à aujourd'hui. Nul doute qu'une dynamique sur les questions de genre s'est instaurée. Quelque 87% des donateurs de l'Aide pour le commerce interrogés pour l'Examen global de l'Aide pour le commerce 2017 ont intégré l'autonomisation économique des femmes dans leurs programmes d'Aide pour le commerce. De même, la plupart des pays en développement considèrent que ces programmes peuvent contribuer efficacement à l'autonomisation économique des femmes. Tous les pays étudiés et les donateurs de l'Aide pour le commerce considèrent que cette autonomisation concourt à la réalisation du Programme de développement durable à l'horizon 2030.

Mais si cette dynamique s'amplifie, il reste encore beaucoup à faire. Et nous devons agir avec efficacité.

LES CAPACITÉS DES FEMMES EN MATIÈRE DE COMMERCE

Promouvoir la participation des femmes au commerce international est l'un des éléments clés des solutions commerciales inclusives que de nombreux gouvernements veulent mettre en œuvre. À travers l'Aide pour le commerce, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a fait porter l'accent sur les femmes dans le but d'en renforcer la capacité à commercer et d'utiliser le commerce comme un outil de développement à leur service.

Les précédents examens globaux de l'Aide pour le commerce ont mis en évidence toute une série de domaines où l'Aide pour le commerce est efficace.

Certains résultats montrent qu'un dollar d'Aide pour le commerce se traduit par 20 dollars d'exportations. Ce dollar a un impact positif, même implicite, sur l'autonomisation économique des femmes dans la mesure où l'Aide pour le commerce est un outil de développement à leur service. À mesure que cette initiative se déploie, son impact est de plus en plus manifeste.

Depuis 2011, l'Aide pour le commerce s'est concentrée de plus en plus sur l'autonomisation des femmes et, grâce à l'enquête mondiale – un des principaux outils de suivi dont dispose l'OMC –, nous avons une vision plus claire des grandes évolutions liées au développement et à l'autonomisation des femmes.

La question du genre a été expressément abordée lors de l'Examen global de l'Aide pour le commerce 2011, qui a mis en évidence un cercle vertueux d'initiatives de nature à amplifier l'émancipation économique des femmes grâce au renforcement des capacités commerciales.

Lancée lors de l'Examen global 2015, la publication conjointe de l'OMC et du Groupe de la Banque mondiale intitulée "Le rôle du commerce dans l'éradication de la pauvreté" analysait en quoi l'intégration commerciale peut avoir un impact positif sur l'autonomisation économique des femmes. L'une de ses conclusions les plus marquantes était que les coûts élevés du commerce pesaient lourdement sur les pays les moins avancés (PMA), en particulier sur leurs petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que sur les femmes qui font du commerce. Ces coûts plus élevés les excluent du commerce international.

L'Examen global 2015 rendait compte en outre des impacts produits sur l'emploi des femmes et se penchait sur la manière d'inclure les femmes dans les chaînes de valeur, et sur les obstacles auxquels sont confrontées les femmes qui font du commerce, en particulier en Afrique.

La question du genre était transversale dans le programme de travail Aide pour le commerce 20162017. On trouve dans la dernière édition du Panorama de l'Aide pour le commerce (https://www.wto.org/french/res_f/publications_f/aid4trade17_f.htm), lancée lors de l'Examen global en juillet 2017, pléthore d'informations et d'analyses sur cette question cruciale. Ce rapport met clairement en évidence les clivages qui empêchent les femmes de tirer pleinement parti des avantages du commerce international.

Ces clivages existent toujours et persistent: dans l'accès à l'information et aux compétences nécessaires pour exporter; dans l'accès à la technologie et son utilisation pour l'intégration de la chaîne de valeur mondiale et régionale; dans la propriété et la gestion d'entreprises. Ces clivages peuvent être surmontés par les programmes d'Aide pour le commerce, et ils le sont. Les pays en développement progressent dans l'intégration des questions d'égalité hommesfemmes à la programmation du commerce et du développement.

FRACTURE NUMÉRIQUE ENTRE HOMMES ET FEMMES

Le nouveau Programme de travail 20182019 va approfondir cette question et se concentrer, entre autres, sur les jeunes femmes, les entreprises appartenant à des femmes et la fracture numérique entre hommes et femmes.

L'Aide pour le commerce est axée sur l'autonomisation des femmes. Pour être certains de faire avancer les choses, nous avons besoin de données pour mesurer l'impact du commerce sur les femmes. On ne dispose pas d'informations suffisantes en la matière et il nous faut mieux comprendre les liens entre commerce et genre. À cette fin, l'OMC et l'Organisation de coopération et de développement économiques s'emploient à déterminer dans quelle mesure l'Aide pour le commerce a profité aux femmes au cours des dix dernières années.

Parallèlement, l'OMC vient de s'associer avec la Banque mondiale pour réaliser une publication approfondie et exhaustive sur cette question, en produisant de nouvelles données dans ce domaine. C'est une question très complexe car elle suppose que l'on associe analyse économique et bonne connaissance des différents contextes nationaux et régionaux. L'exercice de suivi de l'Aide pour le commerce peut être utile en l'espèce en recensant les évolutions des politiques nationales et en analysant le rôle du secteur privé.

Nous allons de l'avant en veillant à ce que l'Aide pour le commerce soit utile aux femmes et qu'elle serve de tremplin à leur autonomisation économique. La question qui se pose aujourd'hui n'est pas de savoir si l'Aide pour le commerce ouvre des perspectives économiques aux femmes, mais d'en connaître l'étendue. Savoir comment agir pour faire avancer les choses est le défi que nous devons relever.

Anoush der Boghossian est le point focal OMC pour le commerce et les femmes au sein de la Division du développement.

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