7 janvier 2020

Comment les mesures des pays émetteurs peuvent elles promouvoir l'investissement étranger direct dans les économies pauvres?

by Rodrigo Polanco / in Tribune libre
  • Les pays les moins avancés ne sont pas les seuls à pouvoir agir pour attirer les investissements étrangers directs (IED) dont ils ont tant besoin. Les partenaires développés peuvent promouvoir l'IED sortant et sont bien placés pour dynamiser l'IED dans les PMA.

  • Pour être efficaces, les mesures existantes et futures des pays émetteurs concernant l'IED sortant doivent être adaptées aux besoins et réalités des PMA.

  • Il est indispensable de suivre la mise en œuvre de ces mesures si l'on veut s'assurer que les PMA reçoivent des flux d'IED durables et responsables.

L'investissement étranger direct (IED) constitue la majorité des flux de capitaux privés vers les pays les moins avancés (PMA). D'après le Comité des politiques de développement (CPD) de l'ONU, l'IED peut générer des avantages matériels et immatériels, en favorisant la mise en place et le renforcement des capacités de production et de la croissance des exportations, y compris les objectifs de développement tels que le transfert de technologies et de compétences, la création d'emplois, l'élévation des salaires et l'éradication de la pauvreté. Cependant, la part des flux mondiaux d'IED qui est destinée aux PMA reste très faible et est souvent orientée vers l'extraction de ressources.

De nombreuses études ont été consacrées aux mesures prises par les pays récepteurs pour attirer l'IED, mais peu de travaux de recherche ont étudié la façon dont les partenaires de développement peuvent promouvoir et faciliter des IED plus durables vers les PMA – de manière directe ou indirecte. Nous nous intéressons ici à ces mesures prises par les pays émetteurs et à l'influence qu'elles peuvent avoir sur les flux d'investissements étrangers productifs vers les économies réceptrices pauvres.

Mesures directes et indirectes prises par les pays émetteurs

Dans un document destiné au Bureau du Haut Représentant des Nations Unies pour les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement, et dans une étude récente réalisée pour le Forum économique mondial, nous avançons que les partenaires de développement pourraient jouer un rôle plus important pour ce qui est d'encourager l'investissement étranger durable dans les PMA, à la fois grâce à des mesures directes et indirectes.

En effet, après avoir examiné des mesures prises par des pays émetteurs – principalement des pays de l'OCDE et du G‑20, qui sont à l'origine de la grande majorité des flux d'IED sortants –, nous avons identifié plusieurs mesures qui pourraient être utilisées dans cette optique.

Les mesures de soutien direct de l'IED sortant dans les PMA peuvent inclure des programmes de financement préférentiels (par exemple, dons, prêts, garanties financières, participation au capital social, et fonds d'entreprises privées), des incitations fiscales, une assurance contre les risques politiques, le développement de projets/d'activités et la mise en place de services d'information, ainsi que des instruments de gestion visant à encourager l'investissement durable et responsable de la part des pays émetteurs.

Ces pays peuvent aussi soutenir l'IED sortant dans les PMA de façon indirecte. Cela peut prendre la forme de mesures de soutien visant à améliorer le climat de l'investissement, à renforcer les organismes de promotion de l'investissement, à aider le secteur privé dans le pays récepteur, et éventuellement à partager des données d'expérience concernant la négociation d'accords internationaux d'investissement ou des approches du règlement des différends entre investisseurs et États.

L'adaptation des mesures aux PMA

Même si les mesures directes et indirectes susmentionnées se retrouvent à la fois chez les pays de l'OCDE et les pays du G‑20, elles n'ont généralement pas été conçues pour promouvoir ou faciliter l'investissement étranger durable et responsable dans les PMA. Nous pensons donc que l'adaptation de ces mesures aux PMA devrait être étudiée.

Dans le domaine du soutien direct, étant donné l'importances des lacunes d'information et de connaissances concernant les possibilités existantes dans les PMA récepteurs, nous recommandons d'inclure parmi les conditions d'admissibilité des facteurs liés au développement, pour les mesures telles que les services d'information, les programmes financiers et les incitations fiscales.

En outre, la nécessité d'une assurance contre les risques politiques est plus criante dans les PMA. Pour encourager l'IED entrant, les conditions et coûts de cette assurance devraient donc être plus adaptés aux besoins et situations des pays fragiles.

Les mesures de soutien direct peuvent aussi être subordonnées au respect par les investisseurs de certains critères d'investissement durable et responsable comme des critères en lien avec le transfert de technologies, la protection du climat, et le respect des droits humains. Les Principes de l'ONU pour l'investissement responsable – qui contiennent des normes mondiales sur la réalisation d'investissements conformes à des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance des entreprises, pourraient servir de lignes directrices. Des mécanismes efficaces de suivi de la mise en œuvre de ces mesures conditionnelles devraient aussi être envisagés.

Plusieurs recommandations peuvent être formulées s'agissant des mesures de soutien indirect de l'IED dans les PMA. Les partenaires de développement peuvent aider à élaborer dans les PMA des mécanismes et cadres de politique efficaces pour attirer l'IED durable; améliorer la transparence en diffusant des renseignements sur les possibilités d'investissements existantes et potentielles dans les PMA, au travers de plate‑formes en ligne; renforcer le rôle de guichet unique pour l'IED entrant des organismes de promotion de l'investissement des pays récepteurs; et encourager l'apprentissage entre pairs de bonnes pratiques concernant une réglementation intelligente qui favorise l'investissement et préserve l'intérêt national.

Principaux enseignements concernant la mise en place de mesures efficaces favorisant l'investissement

Nous tirons de notre examen des mesures prises par les pays émetteurs concernant l'IED sortant trois grands enseignements, qui permettent de garantir que ces mécanismes promeuvent ou facilitent effectivement l'investissement dans les PMA.

Premièrement, les mesures évoluent rapidement au fil du temps et il peut parfois s'avérer difficile de suivre leur mise en œuvre. Elles peuvent subir d'importantes modifications; et leur dénomination, leur durée et l'endroit où elles sont expliquées (essentiellement des plate‑formes en ligne) peuvent changer. Dans la mesure du possible, ces mesures devraient avoir un caractère plus permanent et les modifications devraient être mises en œuvre d'une manière qui soit facile à suivre. Il arrive souvent que les mesures des pays émetteurs subissent des modifications, ce qui peut affecter les attentes des investisseurs.

Deuxièmement, les politiques orientées vers les PMA ou mises en œuvre dans ces pays devraient faire l'objet de rapports distincts de ceux qui sont établis sur les autres pays en développement ou économies en transition. Souvent, les organismes des pays émetteurs établissent des rapports regroupant tous ces pays. De ce fait, il est difficile de trouver des renseignements systématiques sur les mesures ciblant les PMA et d'évaluer l'efficacité des ressources consacrées à ce type de soutien. Cela peut causer deux problèmes différents: une représentation inexacte du soutien fourni à ces économies pauvres – par exemple si les statistiques ou d'autres renseignements incluent des grandes économies en développement; et la sous‑représentation du soutien effectif fourni aux PMA, avec des exemples de réussite qui ne sont pas suffisamment identifiés et mis en évidence par les pays émetteurs.

Enfin, la mise en œuvre de mesures des pays émetteurs devrait être faite de façon à éviter les coûts liés aux chevauchements et à permettre la création de synergies avec les initiatives multilatérales, régionales et bilatérales existantes. Dans le même esprit, si possible, les règles internationales existantes devraient aussi être utilisées, même si cela nécessite des adaptations complémentaires.

L'examen des idées détaillées dans le présent article par les partenaires de développement aidera les PMA à attirer les investissements privés et les financements pour le développement dont ils ont tant besoin, et encouragera leur démarche de réalisation des Objectifs de développement durable.

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Rodrigo Polanco est directeur de recherche et maître de conférences au World Trade Institute de l'Université de Berne, et conseiller juridique à l'Institut suisse de droit comparé de Lausanne (Suisse).

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