De nouvelles idées et de nouveaux partenariats dans deux pays africains
Qu'ont en commun les oignons, les sacs à main en cuir et le moringa?
Intrinsèquement, pas grand‑chose, bien sûr. Mais ces produits sont vendus par des entreprises africaines dirigées par des femmes et sont donc au cœur d'un mouvement en plein essor qui soutient ces entreprises.
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Ce mouvement, lancé en 2018 par le Centre du commerce international sous le nom de SheTrades, permet de réunir des personnes aux compétences différentes et de créer de nouveaux réseaux, dans lesquels on retrouve un designer de Banjul et une organisation internationale de Genève, en passant, parmi de nombreux autres, par un investisseur de Dakar et des fonctionnaires de Lusaka.
"Mon mari et moi avons vécu 16 ans dans la diaspora et avons décidé de revenir en Zambie. Lorsque je suis revenue il y a environ deux ans et que j'ai commencé à travailler dans l'agriculture, j'ai réalisé qu'il n'existait aucun groupe organisé qui rassemblait les femmes travaillant dans l'agriculture, et c'est ainsi qu'est née l'idée de créer Nkoka Women in Agrobusiness", explique Nkolola Halwindi à propos du groupe qu'elle a fondé.
La communauté des petites productrices agricoles de Zambie n'a qu'un seul et unique but et s'est fixé des objectifs ambitieux, tout comme le partenariat SheTrades, plus vaste, qui vise à soutenir les femmes dans les activités commerciales qu'elles mènent.
Partager des espaces
"Tout agriculteur débutant qui devient membre est en fait obligé de parrainer quelqu'un. Nous partageons donc des informations sur les subventions existantes, les formations disponibles, les personnes qui pratiquent l'agrotourisme et celles qui remplissent des fonctions de réseautage", dit Mme Halwindi à propos de Nkoka.
Fin 2019, Mme Halwindi a participé en Inde à une foire commerciale axée sur le moringa, qui était parrainée par SheTrades et dont elle dit qu'elle lui a "changé la vie".
"En Zambie, on apprécie le moringa pour ses effets bénéfiques sur la santé, mais notre visite en Inde nous a ouvert les yeux et offert des perspectives. Nous avons compris l'aspect commercial de cette plante", a‑t‑elle dit. Depuis ce voyage, Nkoka s'intéresse aux produits issus de la transformation du moringa et à leur potentiel de rentabilité.
SheTrades vise justement à provoquer ce genre d'interactions fécondes en organisant des séances de remue‑méninges et des formations axées sur les entreprises, et en permettant à des personnes de participer à des salons commerciaux.
Fiona Coleman, une consultante basée au Royaume‑Uni, collabore avec des femmes travaillant dans le secteur de la mode en Zambie et en Gambie. Elle a commencé par accompagner un groupe de 13 Zambiennes dans leur premier salon professionnel, au Cap. Elle a ensuite organisé des formations couvrant les principaux aspects de la gestion d'une entreprise, de la conception d'une collection à l'élaboration d'un plan stratégique.
Trade training in The Gambia (photo courtesy of Fiona Coleman)
"Nous avons choisi 10 femmes qui avaient le potentiel pour faire du commerce international afin que je puisse les encadrer individuellement pendant 6 mois. En raison de la pandémie de COVID‑19, le coaching a dû être totalement virtuel, sous la forme de réunions Zoom. Certaines de ces femmes veulent créer des sites Web ou renforcer leur présence sur les réseaux sociaux, et d'autres veulent concevoir de nouvelles collections; l'approche est donc très ciblée", a déclaré Mme Coleman.
Mme Coleman considère qu'une des priorités consiste à aider ce groupe de femmes d'affaires inspirées à chercher des niches de marché et à différencier leurs produits.
"En Gambie, les entreprises fabriquent généralement des articles sur mesure vendus directement aux consommateurs. Beaucoup d'entre elles n'ont pas l'habitude de créer des collections et de planifier, mais plutôt de confectionner sur commande. Nous nous concentrons donc sur la manière de planifier à long terme et de créer une collection, en réfléchissant aux articles à concevoir, aux types de tissus, aux motifs et à ce qu'il faut acheter chez les grossistes", a‑t‑elle expliqué.
Surmonter les barrières à l'entré
Mettre de jeunes entreprises sur les rails passe également par la vente et le marketing, qui font partie de l'aide offerte.
Selon Abdoulie Jammeh, Secrétaire permanent adjoint au Ministère du commerce en Gambie, "le Ministère de l'agriculture, en collaboration avec différents partenaires de développement, a beaucoup investi pour améliorer les infrastructures de l'agriculture communautaire, mais les femmes ont clairement fait part des difficultés qu'elles rencontraient pour ce qui était de commercialiser leurs produits".
"Ils se sont attaqués à ce problème en commençant avec les oignons, environ 90% de la production nationale étant réalisée par des femmes", a‑t‑il noté.
Onion production in The Gambia is mostly done by women (photo courtesy of Abdoulie Jammeh)
"Les femmes avaient du mal à vendre leurs oignons, alors même que les entreprises gambiennes en importaient. Nous avons mis ces importateurs en relation avec des associations de différentes régions puisqu'ils disposent d'un réseau de détaillants dans tout le pays", a déclaré M. Jammeh.
"C'était auparavant un défi pour les femmes, mais maintenant que nous avons trouvé des acheteurs, elles ne sont plus obligées de travailler à crédit. Cela a ôté un grand poids de leurs épaules, et nous pensons que cela permettra aussi de stimuler la production d'oignons dans ce pays", a‑t‑il déclaré.
C'est du côté de l'investissement que l'on peut mettre en œuvre d'autres stratégies pour favoriser la réussite des petites entreprises dirigées par des femmes; ainsi, un nouveau réseau gambien d'investisseurs providentiels a fait son premier investissement dans Daraja, une entreprise locale de sacs à main.
"Lorsque vous faites un investissement, il y a une marche à suivre, des modes opératoires à respecter. Il ne s'agit pas seulement de donner de l'argent, mais aussi d'être présent pour apporter un certain soutien et faire bénéficier les entreprises des compétences acquises au cours de votre propre activité d'entrepreneur, et peut‑être aussi de vos contacts. C'est dans ces conditions‑là que vous pouvez espérer réussir", a déclaré Adrame Ndione, directeur du Gambia Angel Investors Network (GAIN).
Les investisseurs ont collaboré avec Adi Conteh, la propriétaire de Daraja, pour améliorer le plan stratégique, la structure juridique, l'image de marque et les finances de l'entreprise.
"J'ai dû procéder à un examen approfondi du fonctionnement de mon entreprise et des résultats obtenus. En tant que créatrice, on a parfois tendance à se focaliser sur les aspects créatifs de l'entreprise. Il m'a donc été très utile de me pencher sur mes comptes pour découvrir qu'en fait je m'en sortais beaucoup mieux que ce que je pensais", a déclaré Mme Conteh.
Daraja focuses on handmade leather items (courtesy of Adiatou Conteh)
"Cela m'a permis de mesurer ce que j'avais été capable de faire au cours de ces dernières années et de comprendre ce à quoi je voulais parvenir".
Faire la révolution
Ces nouvelles connexions et les nouvelles connaissances acquises sont source de réflexion sur l'avenir.
"Dans le cadre de notre Projet 2029, nous avons pour objectif de créer au moins 50 entreprises agricoles d'ici à 2029. Nous nous sommes lancés en 2019 en nous donnant 10 ans pour y parvenir. Il s'agit de femmes capables de dégager chaque année un bénéfice net de un million de dollars EU. Pour une petite agricultrice zambienne, ce objectif peut sembler inaccessible, mais nous sommes déterminées; nous recherchons des partenaires et des femmes ayant le potentiel de nous aider à atteindre cet objectif", a expliqué Mme Halwindi.
Toutes ces activités contribuent à établir des liens qui se traduisent de différentes façons.
"Il s'agit de faire se rencontrer les gens. Beaucoup de cheffes de petites entreprises peuvent se sentir isolées. Pour maintenir une dynamique, il faut les réunir à l'occasion de formations ou d'événements et leur donner l'occasion de communiquer entre elles", a déclaré Mme Coleman.
Elle a évoqué une femme qui s'était rendue à un salon professionnel en Chine. À son retour, lorsqu'on lui avait demandé quel était le point d'orgue de son voyage, elle avait répondu qu'il s'agissait de sa rencontre avec d'autres membres de SheTrades.
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SheTrades projects in Zambia and The Gambia are supported by EIF's Empower Women, Power Trade initiative, which aims at transforming the economic lives of women in least developed countries (LDCs). Aiming to impact 50,000 women by 2022, Empower Women, Power Trade is also supporting projects in Haiti, Ethiopia and Burundi in partnership with EQUALs.
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