4 octobre 2022

Nourrir les rêves lactés des jeunes entrepreneurs

Bihaicha n'a pas peur du dur travail.

Le jour, la trentenaire est copropriétaire d'une ferme laitière aux Comores, la nuit, elle se prête au commerce des épices. Avec deux associés, elle a fondé la ferme Natura dans les hauteurs de la Grande Comore, la principale île de l'archipel des Comores. 

Depuis qu'elle est toute petite, elle veut posséder une entreprise agricole. Ce rêve l'a poussée à poursuivre sa passion malgré les nombreux obstacles à la création d'une entreprise. 

Tour d'horizon

Il faut de bons pneus et un esprit intrépide pour accéder à la ferme laitière qui se trouve sur un terrain rocailleux typique au paysage volcanique des Comores, à une heure de Moroni, la capitale. La route menant à la ferme a été déblayée mais elle est trahie par le terrain accidenté de l'île.   

La ferme se compose de trois bâtiments, tous porteurs de la promesse d'une entreprise laitière prospère. L'un est l'unité de traitement qui transformera bientôt le lait en yaourt soyeux ou en beurre gras. Les deux autres abritent leur bien le plus précieux : le bétail. 

L'exploitation compte actuellement six vaches, deux veaux et un taureau. Elle produit de petites quantités de lait qui sont vendues à des clients de la région. Depuis le lancement de leur projet en 2019, les trois jeunes partenaires commerciaux ont dû faire face à plusieurs difficultés. Entre le COVID-19, les maladies bovines, un retard de production laitière et la perte d'un taureau, ils ont persévéré. 

"Même si c'est difficile, j'aime ce que je fais, alors je ne vois pas pourquoi je changerais quoi que ce soit", déclare Bihaicha. "Je sais que si j'abandonnais maintenant, je reviendrais toujours à ce rêve".

Les nouveaux entrepreneurs connaissent généralement quelques années difficiles au début de leurs activités. Lorsque le terrain lui-même semble parfois leur être hostile, où peuvent-ils trouver un soutien pendant ces premières années difficiles ?  

Une main tendue

C'est une question à laquelle a réfléchi la directrice exécutive de la Mutuelle d'épargne et de crédit ya Komor - Moroni (MECK - Moroni), Laila Said-Hassane. Elle dirige une institution de microfinance aux Comores qui promeut des services financiers durables et accessibles, en particulier pour les femmes et les jeunes. 

"Ces dernières années, nous avons été frustrés par le manque d'impact visible du micro-financement fournis par la MECK", explique Mme Said-Hassane. "Nous avons décidé de concevoir un programme de soutien spécial pour les jeunes entrepreneurs." Le programme est spécifiquement axé sur les entreprises d'élevage et de transformation des produits agricoles comme l'entreprise Natura. 

C'est ainsi que Bihaicha et ses associés ont pu bénéficier de ce programme. Diplômés respectivement en industrie et technologie des semences, en production animale et en gestion, ils forment un trio pluridisciplinaire et sont arrivés avec un plan d'affaires solide.

Ils ont reçu 120 000 € de prêts pour démarrer leur activité, dont 10 000 € ont servi à acheter le terrain sur lequel se trouve la ferme. 80 000 € ont été utilisés pour importer du bétail d'Afrique continentale, acheter des équipements et financer la construction des principaux bâtiments de la ferme. 

Le Cadre intégré renforcé a fourni une garantie de 30 000 € à MECK-Moroni pour endosser le risque de l'investissement. Ce type de financement mixte est un catalyseur pour les entrepreneurs en herbe comme Bihaicha. Le financement mixte est un moyen d'utiliser des fonds publics pour accroître les investissements privés. 

Devenir propriétaire foncier, faire construire des bâtiments, transporter du bétail au-delà des frontières. Tout cela est nécessaire pour faire décoller l'entreprise, mais cela prend du capital. Le trio n'aurait pas été en mesure de créer son entreprise de ses propres moyens, compte tenu de la quantité de liquidités nécessaires. 

La MECK-Moroni utilise également un modèle de finance islamique, ce qui signifie que le remboursement du prêt ne commencera qu'après le démarrage de la production de l'entreprise. 

Ce modèle s'est avéré vital pendant une période comme la pandémie, lorsque l'entreprise n'a pas pu importer de vaches du Kenya en raison de la fermeture des frontières. Au lieu de cela, les jeunes entrepreneurs se sont concentrés sur la construction des différents bâtiments dont leur entreprise avait besoin, comme un enclos pour les vaches ou une pièce où abriter les équipements de transformation. 

L'espace pour réussir 

L'accès au financement est l'obstacle le plus souvent cité par les entrepreneurs. Avoir accès à un financement de démarrage ou à un financement pour faire passer son entreprise à une plus grande échelle est essentiel pour favoriser la croissance d'une petite entreprise. 

Le fait de savoir qu'ils sont soutenus par un financement solide permet aux jeunes entrepreneurs de faire face aux revers qui surviennent inévitablement lors du lancement d'une nouvelle entreprise et leur donne le souffle nécessaire pour persévérer. 

Pour les établissements de crédit comme la MECK-Moroni, le financement mixte leur permet de ne pas assumer seules le risque de l'investissement et leur donne la possibilité d'investir dans des entrepreneurs ambitieux. 

Bihaicha n'a pas peur du dur travail. Ce soutien a enhardi son rêve de vivre de son activité agricole. Elle a toutes sortes de projets. Elle a commencé à envisager d'installer des ruches sur son terrain et de planter des fleurs qui attireront les abeilles pour en tirer un délicieux miel. 

"Dans les cinq prochaines années, le plan est de commencer à transformer le lait en produits laitiers", dit Bihaicha. "Nous avons cette idée de mobiliser les producteurs laitiers voisins dans une coopérative afin qu'ils puissent nous vendre leur lait et que nous le transformions." 

Exploiter le marché local est exactement l'idée que Mme Said-Hassane avait en tête en développant ce programme : "Il y a une grande demande pour les produits locaux, comme le lait, et l'offre ne la satisfait pas. Et malheureusement, le marché national est inondé d'importations de telle sorte que cela a un impact négatif sur la sécurité alimentaire et l'esprit d'entreprise." 

Les nouvelles entreprises ont besoin de crédit dans les meilleures conditions, elles doivent être soutenues par des institutions financières encourageantes qui ont à l'esprit des considérations économiques, mais aussi sociales et de développement. 

"A la MECK, nous sommes motivés par le développement" déclare Mme Said-Hassane, "nous voulons soutenir le local". 

C'est exactement le type d'aide dont une jeunesse laborieuse a besoin pour lancer ses rêves, se sevrer des importations étrangères et célébrer le potentiel commercial d'un pays où, avec un peu de soutien, coulera bientôt le lait et le miel...

Mots-clés
Avertissement
Any views and opinions expressed on Trade for Development News are those of the author(s), and do not necessarily reflect those of EIF.