L'augmentation de la production et de la rentabilité agricoles détourne les jeunes hommes des champs de bataille vers les champs de maïs.
En République centrafricaine (RCA), les épis de maïs frais prennent une couleur jaune foncé, presque orange. Pour les agriculteurs de ce pays, en proie aux conflits et à l'insécurité alimentaire, ces épis sont une lueur d'espoir. Le maïs et d'autres cultures ne peuvent être cultivés que dans des zones suffisamment sûres. Ailleurs, les groupes armés prennent souvent d'assaut les champs et les brûlent ainsi que les greniers de réserve agricoles.
Les champs de maïs des communautés moins touchées par les conflits sont donc chéris car ils apportent nourriture, revenus - et paix. Le district de Mboko-Landja, dans le sud du pays, est l'une de ces régions chanceuses où les communautés peuvent vivre de la terre. C'est un privilège en RCA qui est actuellement confrontée à une crise alimentaire. Selon l'ONU, les besoins humanitaires dans le pays sont à leur plus haut niveau depuis cinq ans. La résurgence de la violence armée et la récession de l'économie ont laissé six citoyens sur dix, soit 3,1 millions de personnes, dans un état de grande vulnérabilité.
Des récoltes encourageantes au milieu des conflits
Soutenir les agriculteurs et les coopératives agricoles dans un contexte post-conflit n'est pas ce que les bailleurs de l'aide internationale considèrent souvent comme un pari sûr. Mais transformer les épées en charrues peut ouvrir aux communautés une voie durable pour sortir du conflit, comme le montrent les résultats d'un projet soutenu par le Cadre intégré renforcé dans quatre districts du pays.
M. Samedi Letromo est président de la coopérative de maïs de Mboko-Landja, l'un des groupes participant au projet. La surface cultivée de la coopérative est passée de huit à onze hectares de 2020 à 2021, doublant la production de 5 200 à 10 345 tonnes de maïs. Il attribue ce résultat au soutien multiforme que son organisation a reçu, notamment des outils, des semences, des formations pour les agriculteurs, et même de nouveaux entrepôts pour stocker les récoltes.
En conséquence, le revenu de la coopérative est passé de 1 040 000 francs centrafricains (XAF) (2 080 USD) en 2020 à 2 275 900 XAF (4 551 USD) en 2021. "Cela a permis à nos 250 membres d'améliorer leur vie", explique Letromo. "Avec l'argent supplémentaire, ils ont pu consulter un médecin et acheter des médicaments. Ils ont pu envoyer leurs enfants à l'école et se permettre de leur acheter des fournitures scolaires. Certains d'entre eux ont apporté des améliorations à leur maison, la rendant plus robuste et plus confortable."
Labourer les tensions sociales
Plus important encore, l'accroissement de la prospérité des membres de la coopérative renforce la cohésion sociale dans les régions où les communautés autochtones partagent les terres et l'espace avec la communauté musulmane des Peuls. La RCA est un pays à prédominance chrétienne et animiste et les communautés musulmanes ont historiquement fait l'objet de discriminations ou ont été utilisées comme boucs émissaires pour expliquer la montée des milices armées. Dans le district de Kémo, au cœur du pays, par exemple, les groupes de populations autochtones et ceux de la communauté peule spécialisée dans la production de maïs ont appris à vivre et à récolter ensemble.
M. Edmond Mologodo, coordinateur du projet au ministère du Commerce et de l'Industrie, explique que la cohabitation entre les deux communautés a été difficile pendant les périodes de fortes tensions politiques sur fond de discrimination religieuse. Dans ce contexte, la paix et la réconciliation ont été au cœur des activités du projet.
"Les groupes peuls ont été encouragés par le projet à devenir membres des coopératives de producteurs de maïs de Kémo", explique Mologodo. Depuis lors, la communauté peule travaille avec les autochtones sur les mêmes parcelles de terre.
Pour les citoyens ordinaires de la RCA, le commerce peut être une échappatoire à la pauvreté et aux conflits. Dans le cadre du programme national de désarmement, démobilisation, rapatriement et réintégration (DDRR), de nombreux ex-combattants ont opté pour le petit commerce ou l'agriculture. En soutenant les coopératives agricoles, on incite surtout les jeunes hommes à troquer leurs fusils contre des faucilles.
Troquer des fusils contre des faucilles
Dans un pays où les opportunités sont rares, faire comprendre aux jeunes qu'ils ont des alternatives à la guerre est une part importante du travail du ministère du commerce. "La production de maïs peut réduire le poids de la pauvreté sur les populations rurales qui sont les plus touchées par la violence des groupes armés", explique M. Mologodo. L'éducation consiste à visiter les écoles et à parler aux élèves de la culture du maïs, du sésame ou du palmier, ainsi que d'autres possibilités de petit commerce. Les résultats positifs, comme ceux de la coopérative Mboko-Landja, contribuent à convaincre les jeunes qu'il est possible de tirer un revenu et de vivre de l'agriculture.
"L'espoir et l'intérêt des populations pour le projet sont grands chaque fois que nous leur rendons visite", affirme le fonctionnaire.
Soutenir l'expansion de l'agriculture dans des zones aussi proches du conflit et de l'instabilité peut sembler aussi fragile que les tiges de maïs qui se balancent au vent. Tout ce qui a été accompli peut s'envoler en un instant. Mais pour les agriculteurs qui travaillent dur dans leur champ, l'espoir de paix est la couleur de ces épis de maïs jaunes.
Photo by Christophe Maertens on Unsplash
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