L'accroissement et la diversification des capacités de production rendront les pays les moins avancés (PMA) mieux à même de tirer parti des possibilités en matière de financement et de commerce électronique essentielles à leur reprise après la COVID‑19. C'est un thème récurrent du Rapport 2020 sur les pays les moins avancés de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), qui rappelle toutefois que la communauté internationale doit d'abord se mobiliser en fournissant des ressources, une marge de manœuvre et de meilleures mesures internationales de soutien.
La COVID‑19 a fait ressortir les asymétries du système commercial mondial et du système de financement, les PMA étant les plus durement touchés. La chute de la demande et des prix des marchandises et des services des PMA a provoqué un effondrement des recettes d'exportation au cours de l'année 2020, plaçant hors de portée les objectifs de doublement de la part des PMA dans les exportations mondiales. La diminution des envois de fonds a pesé sur la consommation intérieure et menacé les emplois ruraux. Le coût du service de la dette extérieure a augmenté, tandis que des projets d'investissement étranger direct (IED) ont été annulés et que l'accès au financement privé est devenu plus difficile. Les déficits des comptes courants des PMA se sont également creusés à un moment où les volumes de l'aide publique au développement (APD) – la principale source d'entrées de capitaux pour beaucoup de ces pays – semblent menacés.
Le commerce électronique est une occasion à saisir
Selon le rapport, le commerce électronique a toujours apporté une petite lueur d'espoir; le Rwanda et le Sénégal, par exemple, ont vu des acteurs existants développer leurs activités tandis que de nouvelles entreprises et de nouveaux services ont été créés. Les vendeurs du Bangladesh, du Cambodge, du Laos, du Myanmar et du Népal ont utilisé la plate‑forme B2B d'Alibaba pour faciliter le commerce transfrontières des produits agricoles, des produits alimentaires et des boissons, des textiles et des objets artisanaux, tandis que les plates‑formes B2C utilisant des applications mobiles ont stimulé les ventes de nombreux petits commerçants ougandais.
Mais alors que les ventes électroniques mondiales augmentent rapidement, les PMA représentent 90% des économies qui en ont le moins profité, indique le rapport. Il est également à craindre que le fossé ne se creuse, car les PMA disposent rarement d'une architecture numérique adéquate ou de compétences adaptées pour évoluer vers la quatrième révolution industrielle.
L'un des principaux avantages du commerce électronique est qu'il pourrait contribuer à intégrer les exportateurs des PMA dans les chaînes de valeur régionales et mondiales, et leur donner accès à de nouveaux marchés, a souligné Paul Akiwumi, Directeur de la Division de l'Afrique, des pays les moins avancés et des programmes spéciaux de la CNUCED. Mais comme pour les autres technologies numériques et mobiles, les PMA l'utilisent trop souvent à des fins de consommation plutôt que de production.
Les PMA ne peuvent tirer pleinement parti des efforts déployés en matière de commerce électronique et de facilitation des échanges numériques que dans le cadre d'un ensemble global de politiques et de stratégies nationales et internationales, a‑t‑il conclu. Il faudrait notamment:
Se concentrer sur les capacités de production
Les pays donateurs doivent résister à l'envie de privilégier le financement des investissements sociaux, tels que ceux liés à la santé ou à l'éducation, au détriment des capacités de production. En 2015‑2017, 45% des décaissements au titre de l'APD en faveur des PMA ont été consacrés aux infrastructures et aux services sociaux, comparativement à 22% pour les capacités de production.
"Il doit y avoir un équilibre entre le secteur productif et le secteur social. Il ne sert à rien de fournir une éducation de bonne qualité s'il n'y a pas de possibilités d'emploi décent pour les diplômés" a indiqué M. Akiwumi.
Le rapport met en évidence une interdépendance entre les technologies traditionnelles et les nouvelles technologies, les infrastructures matérielles et immatérielles permettant de libérer l'impact des technologies numériques sur l'économie et le développement, qui à leur tour offrent des possibilités d'amélioration de la productivité. Les évaluations de l'état de préparation au commerce électronique de la CNUCED indiquent que la croissance du commerce électronique est entravée par un accès insuffisant à l'électricité, des systèmes postaux peu performants et des cadres réglementaires inappropriés.
Créer des environnements propices au transfert de technologie
Les gouvernements des PMA devraient investir dans des environnements propices à la transformation numérique et à l'amélioration des compétences. Le rapport cite comme exemple positif la décision de l'Ouganda de verser environ 9 millions de dollars dans son budget 2016‑2017 pour soutenir les innovations et la recherche technologique, plus 4 milliards de dollars supplémentaires pour financer les jeunes talents dans le domaine des TIC.
Selon le rapport, l'utilisation de fonds publics dédiés au financement du développement dans les structures de financement mixte devrait être explicitement conditionnée à l'adoption de mesures concrètes et vérifiables à l'appui du transfert de technologie.
Les PMA doivent mettre en œuvre des politiques qui donnent la priorité aux besoins des entreprises nationales, a ajouté M. Akiwumi. Les programmes de promotion de l'investissement devraient inclure des clauses directes visant à faciliter d'importants transferts de technologie et de gestion vers les partenaires locaux, ainsi que des formations pour intégrer les compétences et renforcer les capacités des entreprises nationales.
Se diversifier et ajouter de la valeur
Le soutien international et les ressources financières devraient être orientés de manière à permettre aux PMA de diversifier leurs économies. Cela améliorera leur résilience et les aidera à attirer des IED plus concurrentiels.
Selon M. Akiwumi, les gouvernements des PMA eux‑mêmes devraient identifier les secteurs et les activités à construire ou à relancer, en élaborant des politiques rationnelles visant à favoriser le développement du secteur privé à des conditions équitables et en investissant leurs propres ressources pour lancer le processus.
Ils devraient également encourager les investisseurs du secteur privé à regarder au‑delà des secteurs à gain rapide, tels que les industries extractives, qui offrent peu de valeur ajoutée aux PMA, a‑t‑il ajouté. Les ressources devraient plutôt être orientées vers la création de capacités de production qui s'intègrent dans les processus de production existants – comme le développement de capacités de production de cuir en Éthiopie pour approvisionner les usines de chaussures du pays – ou vers le soutien de secteurs stratégiquement importants comme l'agroalimentaire.
L'intégration régionale peut également contribuer à attirer l'IED là où il est le plus nécessaire. La Zone de libre‑échange continentale africaine (ZLECAf), par exemple, permettra aux PMA africains d'accroître leurs capacités de production et d'ajouter plus de valeur à leur production, a déclaré M. Akiwumi. Le récent rapport de la CNUCED sur le développement économique en Afrique indique que le commerce intra‑africain a oscillé autour de 15,2% en 2015‑2017. Cependant, la valeur ajoutée de ce commerce est plus importante que celle des 85% d'exportations africaines qui atteignent des marchés en dehors du continent. La ZLECAf pourrait également légitimer d'importants volumes de commerce transfrontalier informel, ce qui accroîtrait les recettes fiscales.
Investir dans les services financiers et mobiliser les ressources nationales
Les services à forte intensité de connaissances, tels que les services financiers et les services fournis aux entreprises, représentent moins d'un cinquième des services tertiaires dans les PMA africains et en Haïti, ainsi que dans les PMA insulaires, ce qui les rend propices au développement.
Les secteurs bancaire et financier des PMA offrent des possibilités d'investissement aux acteurs du secteur privé ou aux donateurs qui soutiendraient les entreprises locales et augmenteraient la résilience des PMA, a proposé M. Akiwumi. Par exemple, avec l'établissement du Centre financier international de Kigali, le Rwanda vise à mettre en place un pôle financier régional qui facilitera les flux de capitaux à travers l'Afrique et soutiendra les entreprises locales, notamment les activités de commerce électronique.
Selon le rapport, les PMA doivent également être soutenus pour développer et protéger leurs ressources financières nationales. L'accroissement de la production économique résultant de l'expansion des capacités de production augmenterait les recettes fiscales des PMA, tandis que des systèmes de taxation internationale plus équitables protégeraient les PMA contre les pertes dues au transfert de bénéfices par les multinationales.
Réviser les mesures internationales de soutien
Pour remédier aux conditions défavorables de l'intégration des PMA dans l'économie mondiale, "les mesures internationales de soutien doivent être revues", a fait valoir M. Akiwumi. "Elles n'ont pas apporté le soutien dont les PMA ont besoin."
Toute révision devrait faire en sorte que les mesures internationales de soutien (MIS) visent à renforcer les capacités institutionnelles et réglementaires des PMA, notamment dans les domaines liés au commerce numérique et au commerce des services. Les mesures non tarifaires (MNT) devraient faire l'objet d'une attention particulière, car leur incidence dépasse souvent celle des droits de douane. Les nouvelles MIS devraient également être repensées pour offrir aux PMA une meilleure protection contre les litiges relatifs aux droits de propriété intellectuelle et une plus grande flexibilité dans l'application des règles d'origine, a ajouté M. Akiwumi.
Selon le rapport, il est également nécessaire d'accroître le soutien apporté dans le cadre de l'Initiative Aide pour le commerce, si l'on veut que les mesures internationales de soutien fondées sur la libéralisation du commerce soient couronnées de succès.
Le rapport met également en évidence les asymétries des systèmes financiers qui pénalisent les PMA et aggravent leurs vulnérabilités. Des mécanismes plus solides pour l'apport de liquidités internationales, y compris l'apport de nouveaux droits de tirage spéciaux, sont essentiels pour permettre aux PMA de sortir durablement de la crise. Le rapport préconise également un "plan Marshall" avec une augmentation significative des flux d'aide, ainsi qu'un renouvellement de l'annulation de la dette et la création d'un cadre global pour le règlement de la dette souveraine.
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