Le président du Comité directeur du CIR évoque les défis commerciaux actuels et l'utilisation judicieuse des ressources.
Pourquoi vous être porté volontaire pour assumer le rôle de président du Comité directeur du Cadre intégré renforcé (CIR)?
J'ai rencontré M. Ratnakar Adhikari, le Directeur exécutif du CIR, en octobre 2018. Nous avons eu une réunion fructueuse qui m'a beaucoup éclairé. Le CIR est une petite organisation, mais nous pensons qu'elle accomplit un travail crucial. Il était donc très naturel d'assumer ce rôle. Nous avons soutenu l'organisation depuis sa création. Si nous pouvons apporter une aide supplémentaire pour aller dans la bonne direction, il ne faut pas hésiter. C'est la raison pour laquelle j'ai accepté cette tâche.
Dans la perspective de la prochaine réunion du Comité directeur du CIR [en juin 2019] et si l'on considère le CIR comme un partenariat, quelle est la spécificité du CIR par rapport aux autres organisations ou partenariats œuvrant dans le domaine du commerce pour le développement?
J'ai le sentiment que le CIR offre des orientations et un renforcement des capacités supplémentaires aux PMA. Tout commence par un dialogue, pour aboutir à la mise en œuvre conjointe d'activités spécifiques.
C'est un ensemble: il y a d'abord un dialogue, puis un rapport, un renforcement des capacités, et enfin la mise en œuvre de projets portant sur les capacités de production. Les apports sont divers.
Chaque contexte présente des enjeux différents. Parfois c'est en matière de production, parfois de logistique, parfois de capacité, parfois d'infrastructure. L'analyse doit se faire par secteur, par produit, par pays: il n'y a pas d'approche universelle. Il n'existe pas de réponse standard: il faut adopter une approche sectorielle spécifique et c'est dans ce cadre, je l'espère, que les donateurs et le secteur privé s'associeront, établiront des partenariats et s'entraideront.
C'est à cet égard que le CIR apporte une contribution spécifique, grâce aux Études diagnostiques sur l'intégration du commerce menées avec la Banque mondiale qui examinent toutes ces difficultés.
Tout un ensemble de réformes sont proposées en ce moment pour l'OMC. Dans ce contexte, quelles sont d'après vous les perspectives pour les PMA et que peut-on faire pour qu'ils soient pris en compte dans ce processus?
Je pense que nous avons tous des difficultés en ce moment à cause de la conjoncture internationale. Force est de constater le manque général de confiance dans le multilatéralisme, que l'on observe aussi à l'OMC.
Est‑il plus important que jamais de coopérer sur une base multilatérale? Je pense que oui. Est‑ce plus difficile que cela ne l'a été depuis de nombreuses années? Apparemment. Mais il y a plusieurs raisons à cela.
Je crois que le défi auquel l'OMC est actuellement confrontée est considérable, et qu'il est aussi important pour les PMA que pour les pays développés. Nous avons des dissensions en matière de commerce, à propos de la structure organisationnelle, sur le fonctionnement détaillé de mécanismes spécifiques. Nous avons des difficultés et des défis à relever dans tous les domaines.
Et qui en souffrira? Vous et moi, ainsi que l'ensemble de la population. C'est pourquoi il est si important que nous continuions à faire pression en faveur de réformes et de solutions concrètes. Il ne s'agit pas d'un problème du Sud ou du Nord. C'est beaucoup plus large, et cela aura des incidences sur chacun d'entre nous.
« Les pays développés peuvent se permettre des guerres commerciales. Ils peuvent se permettre de perdre 1 à 2% de croissance – c'est le prix à payer pour un système commercial mondial défaillant. Toutefois, pour les pays qui ont besoin d'une croissance économique de 6, 7 ou 8% simplement pour s'adapter ou couvrir la croissance démographique, il est primordial que nous ayons un système multilatéral qui fonctionne bien. Et cela vaut aussi et surtout pour le commerce, les exportations et le développement commercial. »
S.E. M. Morten Jespersen, Ambassadeur et Représentant permanent, Mission permanente du Danemark, Genève, Président du Comité directeur du CIR
Je ne veux pas vous dire que la situation est désespérée, parce qu'elle ne l'est pas. Mais il est clair que nous en parlons parfois comme d'une tâche véritablement ardue. Nous devons continuer à promouvoir le multilatéralisme et – quand ce n'est pas envisageable sur une question spécifique – opter pour le plurilatéralisme et travailler avec un nombre réduit de pays. C'est déjà arrivé par le passé lorsque les conditions étaient difficiles, et nous pensons que c'est peut‑être une manière adéquate d'avancer dans le climat actuel. Les pays qui sont prêts n'ont qu'à commencer, puis nous verrons si d'autres se joignent à eux plus tard.
Bien sûr, il y a certaines institutions qu'ils font réformer très rapidement et si nous n'obtenons pas les réformes ou les solutions nécessaires, nous serons tous confrontés aux mêmes problèmes: une OMC inefficace, de fait, une OMC qui ne sera pas en mesure de remplir sa propre fonction.
Quelle sera la situation des PMA dans ce contexte commercial?
Les pays développés peuvent se permettre des guerres commerciales. Ils peuvent se permettre de perdre 1 à 2% de croissance – c'est le prix à payer pour un système commercial mondial défaillant. Toutefois, pour les pays qui ont besoin d'une croissance économique de 6, 7 ou 8% simplement pour s'adapter ou couvrir la croissance démographique, il est primordial que nous ayons un système multilatéral qui fonctionne bien. Et cela vaut aussi et surtout pour le commerce, les exportations et le développement commercial.
Tout cela pour dire: nous avons la responsabilité de faire en sorte que cela fonctionne.
Le CIR a publié un nouveau Plan stratégique. Quelles sont, selon vous, les plus grandes opportunités et les plus grands défis pour la mise en œuvre du plan?
Nous sommes fiers du Plan, nous avons participé à son élaboration. C'est l'aboutissement d'un travail conjoint associant les donateurs, les PMA et le CIR. Nous aimons cette idée, et nous pensons que l'accent a bien été mis sur l'optimisation des ressources … Que dire de plus?
Je pense que l'important est que le CIR ait suivi ce processus de réforme générale et d'"optimisation des ressources", pour devenir un partenariat beaucoup plus apte à produire les résultats escomptés. Cependant, il dispose de trop peu de ressources à l'heure actuelle, et ce malgré l'objectif de financement, c'est donc l'un des grands défis pour l'avenir.
Un autre défi réside dans le fait que, pour que le CIR puisse avoir un véritable impact, le partenariat devra parvenir à mobiliser les ressources d'autres donateurs pour le commerce et le développement. Or cela ne sera possible que si l'analyse et le travail sur les projets de Catégorie 1 [appui institutionnel] sont bien ciblés. Il en va de même pour la sélection des projets de renforcement des capacités de production qui bénéficient d'un financement. Ce n'est pas simple.
Nous avons aussi discuté avec le Directeur exécutif quand il était ici de la manière d'élargir la base des donateurs, la base de financement, car c'est important. Nous avons eu une discussion très fructueuse à ce sujet.
Il est plus facile d'approcher de nouveaux donateurs – qu'ils appartiennent au secteur privé, ou qu'il s'agisse de donateurs gouvernementaux – si l'on est en mesure de leur montrer de bons rapports, une optimisation des ressources, des audits, des progrès réalisés dans des activités spécifiques, etc.
Si vous considérez l'ensemble des donateurs, vous constaterez que l'on investit de plus en plus dans ce programme d'Aide pour le commerce. Dix ans en arrière, on ne pouvait même pas parler de croissance économique dans le secteur du développement, car il s'agissait toujours de questions sociales. Peu à peu, on s'est rendu compte que pour créer du progrès économique, il faut créer de la croissance économique, et qu'avec la croissance économique, on peut améliorer les services sociaux.
Ces secteurs fonctionnaient auparavant en silos, mais nous comprenons maintenant qu'ils sont très liés. [Au Danemark,] nous avons effectué une analyse de nos programmes de développement du secteur privé à travers le monde entier, et ils sont tous apparentés à l'Aide pour le commerce. Nous ne les appelons pas nécessairement comme ça – il y a les capacités d'exportation, les capacités de production et ainsi de suite –, mais ils comportent tous des éléments d'Aide pour le commerce.
Je pense que c'est ça notre espoir: nous investissons, nous mettons de l'argent ici, nous prélevons de l'argent des contribuables danois et nous le dépensons pour ces activités parce que nous y croyons. C'est aussi pour cela que nous suivons de près les organisations que nous finançons, et que nous leur demandons des comptes si elles ne dépensent pas leurs ressources financières à bon escient. Nous devons constamment surveiller et ajuster le tir s'agissant des projets en cours.
Des observations pour conclure?
Nous devons être forts pour le multilatéralisme, nous devons remettre le système en état de fonctionner, nous devons continuer à offrir une assistance, nous devons être conscients des difficultés et prendre des mesures rapidement, car ce que nous avons fait durant trop longtemps, c'est attendre qu'un problème se présente. En réalité, il est possible de détecter les domaines sensibles, mais le système mondial ne réagit que lorsque le problème est avéré. On le voit bien à propos du climat: c'est seulement quand les choses commencent à aller très mal que nous essayons, en tant que système mondial, de trouver un remède. Il faudrait plutôt éviter de tomber malade!
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