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Alors que les tendances mondiales en matière de biodiversité sont à la baisse, et qu'il est largement admis que d'importantes nouvelles mesures et des changements radicaux seront nécessaires pour inverser ces tendances, la communauté internationale de la biodiversité se prépare actuellement en vue de la quinzième Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique (CBD COP15), qui se déroulera en octobre 2020 à Kunming (Chine).
Les Parties à la CBD doivent convenir d'un Cadre mondial de la biodiversité pour l'après-2020. La CBD couvre la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique – à savoir les espèces et les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques – ainsi que le partage équitable des avantages découlant de l'utilisation de la diversité génétique.
L'intégration de la biodiversité dans des secteurs et des domaines de politique, y compris l'agriculture, la pêche, la sylviculture et le commerce, est reconnue comme une question clé qui doit être traitée plus efficacement dans le Cadre mondial de la biodiversité pour l'après‑2020.
Rapport entre biodiversité et commerce
Le commerce international et la biodiversité entretiennent des rapports à plusieurs niveaux. Certains concernent les effets du commerce légitime, tandis que d'autres sont associés au commerce illicite.
Le commerce peut faciliter le mouvement d'espèces envahissantes. Les dommages à la biodiversité liés à la production de biens faisant l'objet d'un commerce peuvent être accentués par la demande extérieure. Dans le même temps, la demande d'exportation de produits durables peut encourager l'adoption de meilleures pratiques sur le marché intérieur. Le commerce des services et les flux financiers peuvent aussi favoriser les investissements dans la biodiversité.
Le commerce illicite des produits sensibles du point de vue de l'environnement, tels que les produits de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN), les espèces sauvages menacées, le bois d'œuvre et les déchets dangereux, est un défi particulièrement important. Ces questions figurent depuis longtemps à l'ordre du jour du commerce international et de l'environnement.
Les récoltes illicites de bois d'œuvre et le commerce connexe fournissent de 10 à 15% du bois d'œuvre total, et jusqu'à plus de 50% dans certains domaines, ce qui affecte les recettes des propriétaires étatiques et les moyens d'existence des populations rurales pauvres. Seuls 65% des pays étudiés par l'OCDE font état de mécanismes pleinement opérationnels permettant l'utilisation d'informations sur le commerce – provenant par exemple des autorités douanières – pour cibler les mouvements des produits issus de la pêche INN tout au long de la chaîne de valeur.
Mettre en adéquation la biodiversité et les objectifs commerciaux dans les accords commerciaux
Afin d'intégrer plus efficacement la biodiversité dans les questions commerciales, les gouvernements devront incorporer des objectifs axés sur la biodiversité dans leurs stratégies et plans liés au commerce.
Bien qu'aujourd'hui, peu de stratégies commerciales les intègrent adéquatement, les gouvernements réfléchissent de plus en plus à la meilleure manière d'assurer la complémentarité de leurs objectifs en matière de commerce et de biodiversité. Les accords commerciaux seraient un moyen d'y parvenir: ainsi, un certain nombre d'accords commerciaux régionaux (ACR) conclus récemment incluent des dispositions visant à traiter des préoccupations liées à la biodiversité entre leurs partenaires commerciaux.
Selon Trend Analytics, sur 730 accords commerciaux signés entre 1945 et 2018, 30 réaffirment les engagements multilatéraux de mise en œuvre de la CBD (qui est entrée en vigueur en 1992), et 14 réaffirment les engagements pris en vertu de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES, qui date de 1973). La volonté d'inclure une référence à ces accords environnementaux multilatéraux dans les ACR est apparue au milieu des années 2000.
Certains ACR comportent des dispositions visant à promouvoir plus largement la biodiversité. Suivant l'exemple pionnier de l'Accord de libre‑échange nord‑américain (ALENA) signé en 1992, 105 accords ont inclus des dispositions portant sur les espèces menacées d'extinction, les espèces envahissantes, les espèces migratoires, les aires protégées, les ressources génétiques, la biosécurité ou les organismes génétiquement modifiés.
Cette tendance se dégage dans des accords commerciaux récents, tels que l'Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l'UE – entré en vigueur à titre provisoire depuis 2017 –, l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) – en vigueur depuis la fin de 2018 –, l'Accord de partenariat UE‑Japon – en vigueur depuis 2019 – et l'Accord États‑Unis‑Mexique‑Canada (ACEUM), signé en décembre 2019.
L'Accord États‑Unis‑Pérou, signé en 2006, est souvent cité comme un exemple réussi de promotion de la biodiversité par le renforcement des lois relatives à la foresterie et aux espèces sauvages, et par l'alignement des politiques des partenaires commerciaux sur les dispositions de la CITES.
Alors qu'elles caractérisent largement les accords conclus entre les pays développés à ce jour, ces dispositions qui visent à tenir compte des préoccupations liées à la biodiversité dans les accords commerciaux sont aussi pertinentes pour les pays les moins avancés. Par exemple, l'Accord sur le Marché commun de l'Afrique orientale et australe (COMESA), élargi en 2015, inclut des références à la CITES.
Les efforts continus déployés à l'OMC pour négocier un accord visant à éliminer les subventions à la pêche qui favorisent la surcapacité ou la pêche INN, lesquelles nuisent aux écosystèmes marins et épuisent les stocks, constituent une initiative importante de soutien à la biodiversité dans le contexte d'accords commerciaux. Bien qu'il ait été difficile de progresser, les Membres de l'OMC ont manifesté leur volonté de parvenir à un accord pour la Conférence ministérielle de juin 2020. L'amélioration de la transparence sur les niveaux existants de soutien et de la qualité des informations sur d'autres politiques de réforme a été un aspect important de ces négociations.
Mettre en adéquation la biodiversité et les objectifs commerciaux à travers d'autres initiatives
Des mécanismes spécifiques par produit – y compris des accords et des mémorandums d'accord concernant le commerce de certains produits – peuvent être des instruments efficaces, notamment s'ils couvrent des produits faisant l'objet d'un commerce et dont l'incidence sur l'utilisation des terres est majeure, et s'ils contiennent des dispositions concernant précisément la biodiversité, appliquées strictement.
Par exemple, l'UE a conclu des accords de partenariat volontaires (APV) sur le commerce des produits forestiers avec un certain nombre de pays, dont un est actuellement en vigueur entre l'UE et l'Indonésie. Depuis décembre 2019, sept pays partenaires sont signataires de l'APV, y compris le Libéria, la République centrafricaine et la République démocratique du Congo. Des négociations sont actuellement en cours avec la République démocratique populaire lao, et les premières phases du processus ont débuté avec le Myanmar.
D'autres initiatives récentes destinées à aider à intégrer les objectifs de la biodiversité dans les stratégies liées au commerce comportent des mesures prises par certains États membres de l'UE. La Stratégie et le Plan d'action national pour la diversité biologique de l'Irlande, par exemple, incluent un objectif qui vise à remédier aux effets néfastes du commerce sur la biodiversité.
Nécessité d'une coopération internationale étroite
Les services écosystémiques fournis par la biodiversité sous‑tendent le développement économique et le bien‑être des personnes dans tous les pays, à tous les niveaux de développement.
D'autres efforts doivent être déployés pour faire en sorte que le commerce fasse partie de la solution dans la transition vers une production et des structures de la consommation plus durables dans le monde. Les actions permettant de protéger les écosystèmes doivent aussi soutenir les Objectifs de développement durable des pays les moins avancés.
L'aide publique au développement, y compris les initiatives au titre de l'Aide pour le commerce, peuvent grandement aider ces pays à créer des conditions propices pour surmonter les obstacles et renforcer progressivement leur présence sur les marchés de l'agriculture durable, de la foresterie et de la pêche, au moyen de systèmes de certification durables.
L'aide au développement peut aussi soutenir les capacités d'exécution et de mise en œuvre des droits de propriété, y compris la propriété intellectuelle, afin de garantir que les pays pauvres puissent protéger des ressources précieuses et en tirer parti.
Les gouvernements ont également un rôle important à jouer pour garantir que leurs entreprises opérant à l'étranger contribuent au développement durable. Les mesures de politique promouvant et facilitant la conduite responsable des entreprises sont des outils cruciaux pour obtenir de meilleurs résultats en matière de biodiversité.
Les Parties à la CBD proposent maintenant de nouveaux objectifs pour le Cadre mondial de la biodiversité pour l'après‑2020, y compris en ce qui concerne des questions commerciales liées à la faune et la flore sauvages. Cela souligne l'impérieuse nécessité de poursuivre le dialogue multilatéral et régional, et la coopération, pour s'assurer que tous les pays soient capables de contribuer aux efforts déployés pour relever le défi mondial et urgent de la protection de la biodiversité, et d'en bénéficier.
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Katia Karousakis est chef de l'équipe chargée de la biodiversité à la Direction de l'Environnement de l'OCDE. Shunta Yamaguchi est analyste des politiques commerciales et environnementales à la Direction de l'Environnement de l'OCDE.
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